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Liberté d’expression
11 juillet 2004, par Soleiman Adel Guémar

Speech donné, le 23/06/04 au Centre culturel « Dylan Thomas », Pays de Galles/Wales (Grande Bretagne) par Soleïman Adel Guémar.

Madame La Ministre,

Mesdames, Messieurs,

Honorable assistance présente au prestigieux Centre Thomas Dylan, grand poète Wales et Britannique,

Bonsoir,

Avant la lecture de mes 3 poèmes* qui vous sont proposés aujourd’hui, permettez-moi de vous lire cette courte introduction écrite à la hâte et qui, je l’espère, arrivera à vous donner un aperçu sur le climat vicié et antidémocratique qui règne dans mon pays, meurtri par un régime militaire maffieux sans foi ni loi.

L’Algérie, mon beau pays, source intarissable de mon inspiration, dont le nord ressemble à s’y méprendre au pays de Galles, vit sous état d’urgence depuis plus de douze ans.

A l’heure où je vous parle de nombreux journalistes et militants des droits de l’homme algériens vivent le calvaire. Quotidiennement harcelés et subissant d’intolérables menaces de la part du pouvoir militaire maffieux, nombre d’entre eux sont jetés en prison pour délit d’opinion et dénonciation de la corruption et des abus de pouvoir qui empoisonne l’Algérie.

Aujourd’hui, mercredi 23 Juin 2004, Mr Hafnaoui Ghoul, journaliste d’investigation au quotidien « El-Djazaïr News » et militant des droits de l’homme injustement emprisonné depuis le 24 mai dernier a comparu pour la deuxième fois consécutive en l’espace d’un mois devant la justice algérienne aux ordres qui le condamnera à nouveau au cachot.

A l’heure où je vous parle, Mr Mohamed Benchicou, directeur du quotidien « Le Matin », croupit en prison, condamné le 14 Juin dernier à deux ans de détention.

A l’heure où je vous parle, le pouvoir dictatorial d’Alger refuse arbitrairement de délivrer son passeport au Dr Salah-Eddine Sidhoum (1), chirurgien orthopédiste et militant des droits de l’homme, ayant dénoncé, preuves à l’appui de longues années durant, les atteintes flagrantes aux droits de l’homme en Algérie (torture systématique, disparitions forcées, exécutions sommaires, etc…).
A cours de son long combat pour le respect de la valeur humaine, le Dr Sidhoum échappera aux escadrons de la mort de la sécurité militaire algérienne et sera condamné à 20 ans de prison par contumace, sous la fausse accusation d’appartenance à un groupe armé. Forcé de vivre en clandestinité pendant 9 ans, il sera rejugé le 16 Octobre 2003. Suite à la mobilisation d’ONG (Organisations non gouvernementales) et de l’opinion publique internationale, il a été acquitté et lavé de toutes les accusations mensongères dont il avait fait l’objet. Mais, sans motif aucun, les autorités algériennes lui refusent toujours son droit constitutionnel de voyager librement.

A l’heure où je vous parle, Mr Mohamed Smaïn, militant algérien des droits de l’homme, vit sous la menace et la pression des hordes militaro-maffieuses qui font subir, nuit et jour, aux algériennes et aux algériens épris de justice et de liberté mille et un calvaires.
II y a quelques années, Mr Mohamed Smaïn, qui a déjà subi 1 an de prison ferme et toutes sortes de menaces et d’intimidations, a révélé à l’opinion internationale l’ampleur et les commanditaires des massacres odieux commis contre des civils à Relizane, ville située dans l’ouest algérien, par des milices agissant sous les ordres des généraux.

Mesdames, Messieurs,

Le 18 Juin 2004 un militant algérien des droits de l’homme qui continue à se battre si courageusement en Algérie m’a écrit ces mots d’une rare intensité :
« Tu sais, j’ai souvent éprouvé la solitude et l’angoisse du mineur de fond mais je n’ai jamais craint de subir de coup de grisou ». Et d’ajouter, en faisant référence aux dangers qui le menacent : « Je suis convaincu, qu’en cas de malheur, d’autres passionnés par leur pays prendront le relais pour exploiter ce combustible fossile qu’est l’histoire et qui constitue le levain des nations. »
Et de conclure : « En milieu hostile, le militant des droits de l’homme n’a pas de place, car il s’agit de dénoncer et de condamner tous les crimes quel qu’en soient les victimes ou les auteurs. Il ne peut y avoir d’indignation sélective mais pour l’homme du pouvoir en Algérie : Ou bien tu es avec lui ou bien contre lui ! »

A l’heure où je vous parle aucun des responsables de l’assassinat de plus de 130 jeunes kabyles en 2001 n’a été condamné. En plus de ces exécutions sommaires, la répression féroce qui s’est abattue en Kabylie et à Alger sur les jeunes manifestants réclamant l’instauration de la démocratie et l’officialisation de la langue Tamazight (Berbère) -langue ancestrale de l’Algérie- a causé plus de 500 handicapés à vie.

En Algérie, chers amis, c’est le règne de l’impunité qui est en vigueur. Et sous le couvert de la fameuse loi de « réconciliation nationale » concoctée par les généraux et le président algériens, c’est l’amnistie des assassins qui est en cours. Après plus de 200 000 morts, des dizaines de milliers de disparus et autant de torturés, ils veulent effacer tout et recommencer à zéro. La répression, comme mode normal de gouvernance, persistera en Algérie tant que la raison d’état et les intérêts économiques, pétrole et gaz aidant, continueront à bâillonner les responsables politiques mondiaux qui continuent à se taire devant l’injustice et la dictature qui y règne.

La lutte du peuple algérien pour l’instauration de la démocratie dure depuis de très logues années. L’intégrisme islamiste a servi et sert toujours de prétexte au régime militaire d’Alger pour garder illégitimement les rênes du pouvoir. Ce régime n’a, en vérité, rien à envier à celui de Pinochet au Chili. Il le dépasse dans l’horreur et le machiavélisme.

Le pouvoir militaire a longtemps tenté de dissimuler sa volonté dictatoriale originelle et structurelle en utilisant le prétexte de la lutte contre l’intégrisme islamiste qu’il a pourtant lui-même enfanté et encouragé de mille et une manières afin de tuer dans l’oeuf les aspirations démocratiques du peuple algérien. Il en est de même concernant la création et l’utilisation des groupes terroristes islamistes, tel que les GIA (Groupes islamistes armés) appelés communément Groupes islamistes de l’Armée connus pour avoir dépasser en horreur la barbarie intégriste, en commettant les plus grands massacres contre les civils que l’Algérie ait connu depuis ces douze dernières années.

Je profite de cette occasion pour interpeller votre humanisme et faire circuler cette pétition** dans les rangs de votre honorable assistance et vous demander de bien vouloir y apposer votre signature réclamant aux autorités algériennes de délivrer son passeport au Dr Sidhoum. C’est un acte très symbolique. Pour faire savoir au pouvoir algérien que le monde entier a les yeux braqués sur lui. Peut-être réfrénera-t-il alors un tant soit peu sa tendance dictatoriale.

Comme vous le savez si bien, chers amis, les droits de l’homme et la liberté d’expression sont sacrés et ne peuvent être monnayés ni mis aux enchères.

En conclusion, je tiens à vous faire partager ce formidable chant d’espoir de la poétesse française Anna Roger Favre qui, dans les années 40, face au péril fasciste a lancé à la face du monde :« Les chemins de l’humanité est une route de montagne qui monte en lacets. Il semble par moments que l’on revient en arrière alors que l’on monte toujours »

Soleïman Adel Guémar
(le 23/06/2004)

(*) : « Etat d’urgence », « Sépultures » et « Le système »

(**) : http://www.algeria-watch.org/fr/aw/aw_ses_passeport.htm

(1) : Sous la pression de la solidarité internationale, les autotités algériennes finiront par donner son passeport, le 04 juillet 2004, au Dr Sidhoum.


Etat d’urgence

- 1-

coups de Rangers sur la gueule

ongles arrachés un à un

crâne troué à la chignole

des miliciens à mon chevet

se relayant jusqu’au matin

attendent l’ordre de m’égorger

surexcités

- 2-

coupable d’avoir dégueulé

par la fenêtre d’un bus bondé

sur la voiture d’un général

de la république algérienne

démocratique et populaire

coupable d’avoir les yeux cernés

d’être si triste

le coeur en feu

je suis coupable d’être horrifié

par tous les massacres impunis

crimes contre l’humanité

commis juste devant ma porte

- 3-

Tizi pleure ses fusillés

fauchés de jour

sans sommation

je suis toujours colonisé

répertorié deuxième collège

humilié et torturé

jeté en taule pour des idées

exécuté à bout portant

massacré sous projecteurs

à huis clos la nuit durant

à quelques pas d’une caserne

sous l’oeil passif des généraux

je disparais dans la nature

au fond d’un puit abandonné

- élevé à la couveuse

l’ogre intégriste

fait diversion

montre ses crocs sanguinolants -

- 4-

Alger trahie

commandée à la gégène

adopte une position

phoetale

Sépultures

- 1-

ils croient que la pluie

emportera nos cadavres à la mer

vers des tourbillons complices

et effacera les taches de sang noircies sur les murs

de la vieille ville encerclée

de casernes

blanchies à la poudre d’os

humains qui s’entassent

hors mémoire officielle

ils croient que le feu

allumé au cœur du vent

pour nous brûler

les épargnera

- 2-

ne baisse pas les yeux

devant les usurpateurs

cachés derrière le drapeau

et la hiérarchie

le jour venu

les baïonnettes ne serviront

à rien

Le système

- 1-

je hurlais

mais le vent hurlait plus fort

mes sbires me répondaient

par des coups de pieds aux couilles

et des promesses de viol

il y a pire

que d’être fouetté tout nu

trempé d’urine et d’eaux usées

mais j’ai fermé les yeux

et j’ai revu ton visage

qui me souriait

- tu étais belle comme la révolution

qui reste à faire -

- 2-

j’ai dessiné un drapeau en berne

sur le mur du ministère

et je me suis enfoncé dans la nuit

pour un voyage sans retour

vers une mort salvatrice

de toutes façons

je ne reconnaissais plus personne

et Alger

conquise

faisait la pute

sans états d’âme

- S.A.G.-

Messages

  • Cher Monsieur,

    J’ai lu vos poésies le coeur battant... Elles sont belles et je les aime...
    Je viens de terminer le terrible livre "La question"... Mon coeur battait de la même façon.
    Je vous suis et vous comprends.
    J’habite au Royaume-Uni. Si par hasard, vous venez à Londres, passez me voir. Ce sera un honneur de vous recevoir chez moi. Nous pourrons parler.
    Merci encore

    • Merci cher ami. C’est trop d’honneur que vous me faites.
      Que mes modestes poèmes aient pu vous toucher me va droit au coeur.
      Par ailleurs, il est vrai que "La Question" d’Henry Alleg est plus jamais d’actualité.
      (Ma réponse vous a été communiquée par mail).
      Portez-vous bien. Bonne continuité.
      Soleïman Adel Guémar

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