Exigence

Mon libraire





Accueil > Critiques > Critique littéraire > J’air

J’air

ou l’autre coté du miroir de Sandrine

16 juillet 2004, par pierre derensy

Qu’entends je au dessus des croassements des corbeaux ? Au dessous de ces serpents qui sifflent ? Le bruit de l’air. L’air pur et incomparable d’un auteur fantastique qui manie la poésie en roman mais qui devrait arrêter de faire du roman en poésie. C’est trop beau.

« J’air » est un livre écrit par un auteur dantesque, caravagesque. D’une écriture dépouillée de ses oripeaux de chaire faible. L’originalité du miroir renversé tient surtout dans la dramatique vision du mal à travers plusieurs couches d’anti-matière. Non, Sandrine Rothil-Tiefenbach ne sera jamais normale, comme le dit si bien Antoine son ange maléfique intérieur « Devenir normal ! Comme tout le monde ! Quel intérêt ? Qui sont les monstres ? », dans son air de ne pas y toucher, Sandre nerveusement, joue de la magie des couleurs, de l’uniformisation des êtres et du total néant des poissons rouges dans le bocal de la vie. « Alice » qui dès les première instants de sa vie de personnage, sort de sa chrysalide pour transformer le sujet en objet de convoitise, en putréfaction suivi par lecteur, prouvant page 127 que le roman ne s’arrête pas là. Qu’il ne s’arrête jamais d’ailleurs. Qu’à faire sa mue de l’anonymat, hé bien au mieux il y a le pire. En serpent, nue comme un ver, Rothil-Tiefenbach manie le chaud et le froid, tente l’illusion de nous faire croire que nous sommes quelques uns au milieu de nul part à chercher la vérité, sa vérité à elle. Elle nous donne l’impression d’exister dans un monde sans araignée au plafond mais avec plein d’inconnus traçant des sifflets maléfiques dans la rue. Ce bouquin ne va pas plaire car il dissipe toute ambiguïté sur l’humain. Ce livre est sanglant, incisif, laissant une traînée d’hémoglobines sur son passage. Je t’aime ma cendre maléfique en nerveuse extraordinaire.

Messages

  • Ce texte me met l’eau , pardon l’air , à la bouche . Mais encore Monsieur Derensy ? De quel livre et surtout de quel auteure nous parlez -vous là ? J’ai cherché mais je n’ai trouvé sa trace nulle part !

    • Sandrine Rotil-Tiefenbach, J’air, Michalon, 2004, 128 pages, 11 €

    • Pourriez -vous nous livrer ici un passage de ce livre ?

      Merci !

    • J’étouffe. J’ouvre une fenêtre mais l’air reste dehors. Je fais aller et venir ses battants, d’avant en arrière, pour l’attirer à l’intérieur. La chaleur poisse en dedans comme au-delà, par brassées. De la sécheresse et rien que de la sécheresse. J’ôte mon pull à grosses mailles. Mais c’est pire. L’air chaud vient se coller directement sur ma peau. J’y mets de l’eau froide, à même le robinet, les coudes enfoncés dans la cuvette. L’eau s’évapore immédiatement. Celle qui sort de mes pores la fait fuir. Je n’ai pas le choix. J’ôte ma peau. Le plus dur c’est de se lancer. Après ça va tout seul. Exactement comme quand on pèle une orange.

    • "J’ôte ma peau. Le plus dur, c’est de se lancer. Après ça va tout seul. Exactement comme quand on pèle une orange. L’amorce étant faite d’un coup d’ongle bien senti, l’écorce se détache sans plus de résistance. Parfois, cela se déchire un peu. Quand j’ai fini, je regarde au sol ces débris dérisoires. Sortis de leur enveloppe, je les trouve tout à fait ridicules. Des copeaux de chair molle, roses à vomir, laids. Je les fourre à la corbeille en vitesse. M’en monte une nouvelle suée. Je me passe la main sur le front. Malheureux réflexe ! Maintenant j’ai foutu du sang partout. Je retourne en courant à la cuvette au-dessus de laquelle je me penche du mieux que je peux. Si je fais trop de taches par terre, la direction me fera des réflexions. Le sang s’en va dans le petit trou blanc.

      J’observe le tourbillon rouge qu’il fait dans le lavabo. Je pense à ma chaise, là-bas, qui est vide pendant que j’attends ici. Mais entre deux maux... J’ai gardé en mémoire un jour de pluie. Mes bottes avaient rapporté un peu de boue du trottoir et j’avais eu droit à une réflexion. Depuis, je m’efforce de ne rien laisser traîner par terre et ce n’est pas aujourd’hui que je vais commencer. J’y suis presque. Non ! Ça y est ! J’y suis. Tout le sang est parti. Dans un ultime tournoiement, il a disparu en faisant un grand bruit de succion, assez désagréable, comme si le gros tuyau du dessous en avait aspiré la dernière rasade à plein goulot..."

      http://www.rotiltiefenbach.fr.st/

Un message, un commentaire ?

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

Connexions’inscriremot de passe oublié ?


©e-litterature.net