Décidément, les États-Unis d’Amérique sont bien meilleurs dans leurs
superproductions hollywoodiennes que dans les reality-show de leur
propagande. La capture du Raïs de Bagdad en est une nouvelle
illustration.

L’arrestation de Saddam Hussein était prévisible, nous ressasse-t-on à
satiété. On aura tout de même patienté plus d’un semestre. À moins que
nous ayons seulement attendu la révélation de celle-ci. Les USA ont
peut-être choisi l’efficacité d’une arrestation passée des plus
discrète afin d’obtenir de leur prisonnier certaines informations
militaires ou politiques… voire l’assurance que l’ancienne persona
grata de nombreux chefs d’État, ne divulguerait pas de quelques accords
délicats passés entre eux. Il y a de scientifiques et médicales
d’assurer sa tranquillité, ce qui expliquerait l’attitude hagarde du
Raïs clochardisé qu’on nous exhibe depuis plusieurs jours…
Les médecins nazis n’étaient peut-être pas les seuls à tripoter la
science. Dans l’intérêt de l’Humanité, bien sûr…

Une arrestation rapide aurait été sans doute politiquement dangereuse
et le week-end dernier n’aura été alors que le moment choisi par les
conseillers en communication de la Maison-Blanche pour que l’utile
rejoigne l’agréable, surtout à un moment où la côte de popularité de
leur candidat de Président à un nouvau mandat, était au plus bas.
Quoi qu’il en soit, l’orchestration de l’arrestation fait vraiment
songer à une mauvaise série B. Au pays de Raoul Walsh et de Francis
Ford Coppola, on aurait pu espérer mieux.

Péché capital
Que pouvait bien espérer Saddam Hussein en se laissant capturer sans
résistance, détruisant ainsi son image de réincarnation de Saladin, de
guerrier inflexible, de premier des Résistants de son peuple ? La
lâcheté physique n’explique rien, puisqu’il avait les moyens d’en finir
sans douleur notamment à l’aide d’un poison.

Il n’espère tout de même pas un procès équitable : quand on est désigné
depuis des années maintenant comme le Diable en personne, la sentence
est rendue d’avance. Seul le châtiment peut encore faire durer le
suspense : prison à vie ou exécution capitale ? À peine de quoi
permettre aux bookmakers d’organiser quelques recettes sonnantes et
trébuchantes.

Saddam Hussein a commis le pire de tous les crimes. Non pas les
tueries, massacres, répressions en tous genres qui lui sont reprochés
sur fond de gazages kurdes, de tortures policières et de détention
d’armes de destruction massive fantômes, mais tout simplement de ne pas
avoir reconnu dans l’Oncle Sam l’incarnation terrestre du Bien.
C’était à la fin du XXe siècle, le péché capital par excellence. C’est
toujours le cas aujourd’hui.

D’où la sanglante croisade de George W. Bush, commencée dans
l’humiliation de l’ONU qui refusa de donner son onction à ses velléités
guerrières, continuée dans l’humiliation de cette ratonnade « 
anti-bougnoule » en Irak et qui s’est poursuivie tout naturellement ce
week-end par l’humiliation du Raïs.

Son image en clochard hagard a été diffusée en boucle de par le monde,
en violation des lois de la guerre et de toutes les conventions que les
États-Unis d’Amérique font voter aux autres pays pour mieux les
neutraliser en se gardant toutefois de les reconnaître eux-mêmes.
A-t-on jamais vu les Puissants respecter les lois qu’ils imposent aux
faibles ?

L’humiliation du vaincu par le vainqueur n’est pas une pratique
nouvelle. Jules César avait traîné Vercingétorix enchaîné à son char
lors de son Grand Triomphe à travers Rome, avant d’ordonner que
l’ancien chef gaulois qui avait défié le Maître de Rome ne soit
étranglé dans sa cellule. C’était un an seulement avant qu’un
guet-apens au Sénat ne lui fut fatal.
Qui sera le Brutus qui nous débarrassera du nouveau Maître du Monde
made in USA ?

(17 décembre 2003)

Philippe Randa
Directeur du site www.dualpha.com