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Les enfants de Staline - Owen Matthews
9 mars 2013, par Mélèze

Owen Matthews
Les enfants de Staline
Belfond Paris 2008

C’est une chance d’avoir trouvé ce livre par hasard. Avec le titre qu’il porte, il pourrait passer pour de la littérature de gare. On ne s’attend pas à trouver sous la plume de Owen Matthews la réplique anglaise aux livres de Emmanuel Carrere le spécialiste français de la Russie d’après 1990.

L’auteur est d’une famille anglo-russe. Il nous raconte la confrontation de trois périodes distantes de 30 ans qu’il appelle le « siècle soviétique ». La première période est celle de 1937 et concerne son grand père maternel. La deuxième celle de 1967 après la rencontre de son père et de sa mère et l’expulsion de son père de Russie. La 3e période est celle où lui-même travaille en Russie comme journaliste dans les années 90 et suivantes. D’un bout à l’autre l’ouvrage est illuminé par la personnalité extraordinaire de Ludmilla, sa mère, qui a grandi orpheline.

La comparaison avec Carrere est difficile à éviter pour deux auteurs qui s’intéressent au même pays, la Russie, et qui mêlent dans leur livre leur histoire personnelle à celle de leurs personnages. Souvent les deux styles se rejoignent dans une sorte de romantisme dédié à une souffrance russe du type de la Shoah, « inexprimable ». Le livre de Matthews se lit d’une traite : trois générations s’entremêlent, imposent une image de la continuité nationale à travers révolution, guerre et contre révolution,. Alors qu’Emmanuel Carrere est plutôt à la recherche des traces d’une explosion sociale qui devrait permettre le retour de la Russie à la démocratie, Matthews a un goût prononcé pour les odeurs et pour la description des scènes de lèpre urbaine qui semblent caractéristiques de ce pays.

Il veut nous faire vivre les choses de l’intérieur avec l’empirisme qui caractérise son pays . Il nous fait suivre pas à pas toutes les démarches que son père devra faire après son expulsion de l’Union Soviétique en 1964 pour avoir le droit d’épouser sa femme en 1969. Et ce faisant, il donne une analyse de la période stalinienne qui tient en deux mots et qui devrait faire réfléchir ceux qui comme le journal le Monde dans un supplément historique spécial du mercredi 06/03/2013 veulent additionner en dehors de tout contexte et sur plusieurs années successives tous les condamnés à mort du communisme.

Matthews dit qu’il n’y a pas eu de lutte entre le bien et le mal. Son grand-père dont il a eu communication de tout le dossier et qui fut d’ailleurs comme certains autres réhabilité au temps de Kroutchev est fusillé en 1937. Mais « il aurait été le bourreau s’il n’avait été la victime ». C’est très différent d’un affrontement religieux. Et c’est très différent aussi du trotskysme qui a toujours affirmé qu’il y avait eu un coût d’opportunité et que le stalinisme a coûté beaucoup plus cher que ce qu’aurait fait Trotsky à sa place.

On dirait que M.Matthews anticipe ce que depuis on a appelé l’ instrumentalisation. L’extrême droite en Europe et le nazisme en particulier ont toujours fait des crimes du communisme leur cheval de bataille.

Au contraire ce n’est pas comme le fait « Le Monde » qu’il faut écrire : ces déportations de masse sont aussi des histoire individuelles. Bien malin celui qui s’amuse à totaliser tous ces condamnés comme si lors d’une prochaine rencontre bilatérale ou lors d’une réunion mondiale des chefs d’états type G 20 on allait mettre les morts sur la table en préalable à toutes négociations parce que les droits de l’homme doivent passer avant tous les autres calculs politiques.

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