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Qu’ils s’en aillent tous ! - Jean-Luc Mélenchon
20 mars 2012, par Alice Granger

Ces citoyens qui se sentent abandonnés, qui ne croient plus à aucun candidat, qui ne votent donc plus, manifestent par leur abstention, par leur résistance, qu’ils ne peuvent pas aller donner une voix que, manifestement, personne ne leur reconnaît ! Leur abstention, c’est déjà un acte d’insurrection citoyenne froide ! Jean-Luc Mélenchon est le seul homme politique qui les voit, ces citoyens dont ce qu’il nomme la monarchie républicaine se moque avec cynisme. S’apercevoir que, dans ce beau et riche pays qu’est la France, pays des droits de l’homme, des citoyens commencent par dire « je », par faire entendre leur voix par l’abstention, c’est très fort, et infiniment intelligent. Le processus de rejet est en effet très intéressant. Ceux, de plus en plus nombreux, qui sont abandonnés dehors, c’est-à-dire là où rien n’est déjà vraiment construit pour eux, là où les conditions de vie individuelle, sociale, professionnelle, où la nature elle-même, sont de plus en plus dégradées, manifestent par leur refus de donner leur voix que eux, ils ne vivent plus au temps de l’ancien régime, au temps d’une politique à la papa où les petits, bien que citoyens, devaient être des mineurs dans le ventre d’une nation leur assurant l’abri précaire qui convient à leur infériorité, et les supérieurs puisqu’ils assumeraient tout auraient bien droit à la meilleure part pour prix de leurs compétences. Insurrection par l’abstention de ceux, de plus en plus nombreux, qui décident de mettre fin à leur servitude volontaire !

Jean-Luc Mélenchon a formidablement compris ce changement de régime dont témoignent les abandonnés de plus en plus nombreux qui font entendre leur voix en ne la donnant à personne, et c’est à partir de là qu’il trouve dans la crise et l’impasse irrémédiable des raisons d’être optimiste, d’être enthousiaste, d’être joyeux. Ce qui le rend enthousiaste, c’est le nouveau régime que disent ces voix qui ne se donnent plus à l’ancien régime, et qui lui donnent envie, à lui, d’en savoir infiniment plus sur ce nouveau régime à constituer, à construire, à l’aube d’un temps nouveau. Un nouveau régime dans lequel l’humain est la pierre angulaire : aucun humain ne peut en être exclu, tandis que dans l’ancien régime, des nantis sont dedans, comme dans un ventre éternel, et un nombre de plus en plus grand est dehors. Ces abandonnés, Jean-Luc Mélenchon, on le sent dans ses paroles et dans ses écrits, parlent du vrai statut de l’être humain dehors, sur terre, abandonnés à la vie, tandis que les privilégiés de l’ancien régime, de la monarchie républicaine, ne défendent que le statut abrité donc anachronique de l’être humain, et font croire à ceux qui ne le sont pas qu’ils peuvent le devenir, ce qui est une falsification exécrable du statut de cet humain. S’il y a, de la part des politiques, de la part des dirigeants, une falsification du statut de l’humain, une perversion de la matière humaine, si aucun d’eux ne reconnaît ce statut d’abandonnés à la vie qui sont, en tant que tels, capables de se prendre en mains et de participer au destin du pays dans lequel ils vivent, alors pourquoi aller voter ? Jean-Luc Mélenchon s’engage avec génie, énergie, intelligence et enthousiasme, en homme très éduqué et érudit, ainsi qu’en homme qui paraît rompu à la guerre défensive immunitaire pour que dominent la vie et l’humain, à donner envie à ces abandonnés de s’intéresser à nouveau aux décisions qui seules peuvent qualifier en véritable démocratie leur pays. J’ai été vraiment enthousiasmée par cette somptueuse remise à l’ordre du jour de la politique de cet humain dont, depuis si longtemps, je déplore et je sens à vif la quasi disparition au profit d’une indifférence de plus en plus branchée aux distractions de toutes sortes qui endorment si bien le peuple. Cela m’intéresse vivement, ce statut de l’humain qui commence par la sensation de la coupure, de la mise dehors, de n’être plus dedans, cette sensation d’abandon, qui rime avec une page qui se tourne, un changement de logique, de régime. Si rien ne s’occupe plus de nous en nous circonvenant, nous les humains supposés addicts à notre dépendance, si nous ne sommes plus assumés sans qu’on ait à y penser, à dire quelque chose, alors nous devons advenir là où c’était, c’est le temps de la révolution citoyenne, l’heure de prendre nous-mêmes les choses en mains au lieu d’une délégation les yeux fermés, c’est l’heure d’ouvrir les yeux, de se lever. Il y a là une vraie métaphore de la naissance ! Des humains qui sortent d’un état d’infantilisme, attendant tout d’en haut, d’une sorte de nébuleuse, de la croyance qu’un jour nous aussi on aura la même chose que les riches. Des humains qui se réveillent de l’anesthésie par l’argent. Un beau jour, ils ont réalisé que tous ces beaux rêves, c’était impossible. Ils ont désespéré. Puis se sont réveillés, et ont commencé par dire non. Ce silence a franchi le mur du son et quelqu’un a fini par l’entendre. Jean-Luc Mélenchon ne cherche aucunement à dérober les voix allant à d’autres candidats, justement, les voix qu’il parie d’ajouter au scrutin des élections présidentielles par insurrection citoyenne, ce sont celles qui ne devaient pas y être ! Il ne prend des électeurs à personne, et c’est sa force, son coup d’état révolutionnaire, son intelligence d’une nature très nouvelle ! Ceux qui ne votaient plus, il parie qu’ils vont recommencer à voter, c’est différent ! Il s’agit du réveil de l’espoir dans la foulée d’un désespoir sans solution. Il s’agit de citoyens décidés à se prendre en mains, qui sont sevrés, qui n’attendent plus de solution d’en haut, de cette alternance à la papa. Ces citoyens en train de se réveiller, auxquels Mélenchon a redonné envie de compter au nombre des humains vivant sur la terre de France, ont acquis, sans que personne ne se rende compte de rien, une maturité inouïe. Les puissants qui les prenaient pour des petits vont n’en plus revenir, eux qui n’avaient rien vu venir ! Mais ce n’est pas grave, qu’ils s’en aillent tous, nous qui nous levons, nous n’avons plus besoin de nous déléguer dans ceux qui sauraient pour nous, nous ne rêvons plus de cette nébuleuse de l’argent roi dont nous devions avoir, paraît-il, des miettes, nous ne sommes plus addicts à ces belles images et promesses, nous sommes décillés ! Nous sommes capables de prendre le destin de l’humain en mains. Qu’ils s’en aillent tous, avec leur fric, nous sommes sevrés, désormais c’est l’humain d’abord, le vivre ensemble, avec des droits, des règles, de l’éducation, et une formidable énergie pour la guerre défensive immunitaire.

En effet, ce qui me frappe chez Jean-Luc Mélenchon, ce qui le distingue et que je n’observe chez aucun autre candidat, c’est que c’est un homme véritablement éduqué, ce qui n’a rien à voir avec la compétence, le savoir : c’est autre chose, cela se saisit au quart de tour, et on est très curieux de savoir ce que c’est. Etre éduqué, c’est justement un des droits qui doit être reconnu à chaque citoyen d’une démocratie effective. Mettre l’humain d’abord implique que chaque humain fasse l’expérience de l’humaine condition, celle qui commence par la coupure du cordon, par cette sensation d’être abandonné à la vie : je pense que l’éducation véritable doit commencer par là, par cette sensation que rien ne m’épargne de devoir être moi-même aux commandes de ma vie et de participer aux décisions organisant la vie communautaire sur la terre où je vis. C’est-à-dire que l’éducation ne peut en rien s’inaugurer par une protection contre les vicissitudes et surprises de la vie, ne peut se faire comme si sur terre c’était encore comme dans un ventre où tout autour ça fait pour soi sans qu’on ait à s’en soucier. Toute cette nébuleuse de l’argent roi, de la spéculation, de l’argent facile, toute cette logique de la plus grande part pour moi et des miettes pour vous s’enracinant dans le principe de l’humiliation, fait tellement penser à une logique de la gestation éternisée, et qu’on peut rester dedans. Alors, l’appel de Mélenchon au réveil citoyen, à l’insurrection civique, me fait beaucoup penser à une naissance symbolique. A des gens qui, soudain, prennent conscience qu’ils sont donnés à la lumière, qu’ils peuvent sortir du grand ventre fantasmatique de la Bastille ! Ils y étaient passifs, croyaient que tout pouvait venir d’en haut, ce qui maintenait sur son trône le monarque de la république, bien sûr ! C’était l’infantilisme des citoyens qui perpétuait la monarchie républicaine. Le monarque qui nous donnerait tout, le Zorro qui viendrait nous secourir, nous sortir de la crise ! Mais non, la crise, c’est le programme de destruction du grand ventre qui nous maintenait dedans qui s’est enclenché de manière irrémédiable ! Les citoyens qui ont atteint cette maturité au point de ne plus croire à des solutions, qui ne votaient plus, à la suite de Jean-Luc Mélenchon qui soudain les a entendus et vus, c’est une inimaginable ouverture qu’ils voient dans la crise, c’est l’utérus fantasmatique qui les met dehors, c’est fini, on ne les mettra plus dedans, on ne les aura plus ! Voilà la force incroyable que je lis dans ce texte de Mélenchon ! Qu’ils s’en aillent tous ! Oui, c’est un autre temps qui s’inaugure ! Une autre logique ! Un autre régime ! Qui ne peut pas ressembler à hier, quand on prenait les citoyens pour des mineurs à la place desquels on devait penser et décider ! Il y a dans les paroles révolutionnaires de Mélenchon un appel en direction des politiques pour qu’ils regardent autrement les citoyens, pour qu’ils ne les considèrent plus de haut, ne les prennent plus pour des imbéciles, pour des petits, pour des gens non éduqués qu’on peut berner. Ils ne sont pas des cons, ces humains, ils sont éduqués comme vous ne pouvez vous l’imaginer, vous les abrités, puisque, contrairement à vous, ils font l’expérience des hauts et des bas de la vie vraiment dehors, par conséquent vous devez leur rendre des comptes, ils sont capables de comprendre puisqu’ils sont capables de décider, de réfléchir, de débattre, ceci pour chaque aspect d’une vie digne, égalitaire, en un mot, humaine ! Ces citoyens ne se laisseront plus jamais voler les conditions d’une vie humaine, celle qu’on doit à chaque membre de la communauté humaine, celle qui donne sa cohérence au peuple. L’humain d’abord !

Qu’ils s’en aillent tous, ceux qui n’en finissent pas de spéculer sur un paternalisme protecteur de pauvres petits dont les capacités n’auraient aucune chance de se développer, pour la plupart, hormis du côté des élites qui mercantilisent les savoirs au détriment d’un enseignement laïc égalitaire ! Jean-Luc Mélenchon est le seul candidat de ces élections présidentielle de 2012 qui ne spécule pas sur la sous-estimation, toujours humiliante, des citoyens, se démarquant d’une manière radicalement nouvelle de ces candidats qui promettent à n’en plus finir un changement du monde environnant sans jamais s’apercevoir que raisonner comme cela c’est fantasmer un monde à l’image d’un placenta avec les petits dedans menacés d’avortement si la matrice est mal irriguée de moyens.

Par sa militance en train de faire événement très inattendu, Mélenchon fait apparaître les autres candidats à des années-lumière de pouvoir envisager que le statut de ceux dont ils attendent des voix, mais qu’ils n’auront pas, puissent réellement naître citoyens ayant la capacité de faire voler en éclats les calculs faits sur eux, tout ce qui est escompté d’habitude. Les voici, ces citoyens, qui se lèvent de manière très inattendue à la suite de Jean-Luc Mélenchon, désormais coupés de cette nébuleuse dont le programme d’apoptose est déjà à un stade avancé, ils peuvent commencer une guerre immunitaire défensive, dont le nerf est la maturation psychique, éducative, dans des conditions de justice, d’égalité, très loin de la logique de l’humiliation, de la sous-estimation, de l’assistanat, des torchons et des serviettes.

Ce livre très tonique, très révolutionnaire, de Jean-Luc Mélenchon, est un pari sur l’intelligence de chaque être humain habitant notre pays, une intelligence d’une autre nature que celle indexée aux performances, que celle qu’on fait pousser à l’engrais de l’argent, que celle qui est capable de proposer des solutions façon éjaculateurs précoces fanfaronnes et malignes. Le titre du livre, « Qu’ils s’en aillent tous ! », me fait penser à la fin d’un temps mimant la gestation et où la politique s’éternise en ventre nébuleux malin, le mot gestation rimant tellement avec le mot gestion. Qu’ils s’en aillent tous, ceux qui perpétuent cette logique anesthésiante et fondamentalement humiliante. Ce titre me fait aussi penser à tous ces faux pères d’aujourd’hui qui pensent, et agissent en conséquence, en politique et en famille, qu’être père c’est perpétuer le ventre dans lequel rester au chaud et être géré du dehors par des puissants paternalistes fanfarons qui savent tout bien faire et ont la solution à tout. Alors que le nom du père, ainsi que le nom du président de la république, on pourrait ajouter, garantit au contraire la coupure du cordon, ombilical ou de la… bourse. J’aime beaucoup rappeler qu’une partie du placenta est d’origine paternelle, et que la matrice du temps de la gestation implique autant le père que la mère. Ne fait-on pas croire, via l’argent que la spéculation boursière fait gagner en dormant et qu’il suffit d’en avoir pour jouir d’une vie tout baigne de consommateurs béats, que la logique de la gestation doit être appliquée à la vie après la naissance ? Alors, cette logique, qui réduit les citoyens à de gentils consommateurs, fait qu’on cherche à mettre le plus de personnes dedans, parce qu’on peut alors parfaitement faire des calculs en anticipant tous leurs besoins ce qui est parfait pour les profits… Se faire mettre dedans, vous vous rendez compte ! Qu’ils s’en aillent tous ! On n’est plus au temps de la gestation des citoyens morts-nés ! On n’est plus au temps où l’intérieur de la matrice républicaine doit être tapissée par des politiques à la botte de l’argent roi !

Qu’ils s’en aillent, « les sorciers du fric qui transforment tout ce qui est humain en marchandise ». Et oui, les marchandises arrivent par le cordon aux branchés parfaitement formatés et calculés. Ces branchés n’en sont même pas au stade où ils avaleraient tout en déglutition primaire, ils n’ont même pas encore à ouvrir la bouche, ils sont perfusés. Père-fusés ! Gentils consommateurs. Des résignés. Jean-Luc Mélenchon n’est pas du tout dans la résignation, mais dans l’appel à une guerre défensive immunitaire ! A cette armée de citoyens qu’il incite à la guerre défensive, à se lever, à se réveiller, à prendre conscience qu’ils sont donnés à la lumière d’un vrai dehors et non plus prisonniers de cette Bastille de la nébuleuse placentaire financière, il dit : « Le pays regorge de talents bloqués derrière le mur de l’argent. Les partants seront remplacés en vingt-quatre heures par meilleurs qu’eux, plus soucieux des autres, plus inventifs, moins addicts au fric, plus loyaux avec leur patrie républicaine. » Enthousiasme de la relève possible, débordante de vitalité. Ce qui est très nouveau dans ce discours d’un politique de gauche, c’est qu’il n’exploite pas la notion de classe sociale, on n’est plus dans cette logique revancharde, qui suppose toujours un ventre confortable pour l’élite, et le pauvre veut la même chose. Le discours de Mélenchon tourne cette page-là : citoyens, vous êtes sortis du ventre, de la nébuleuse qui formate votre addiction à la consommation parfaitement calculée ! C’est ça, la révolution ! On ne peut plus penser en s’appuyant sur une logique s’inspirant de la grossesse, en s’inspirant d’une mise dedans ! Le pays où l’on vit, dehors, ce n’est en rien une matrice. Elle doit à ses habitants les conditions indispensables à sa maturation, à son éducation, elle doit des infrastructures justes, équitables, elle ne peut en aucun cas tolérer que certains restent dans un régime humiliant d’assistanat, d’aumône et de servitude volontaire, car l’égalité entre humains, pour une égalité des chances, commence par un évènement qui s’inscrit dans l’histoire de chaque individu, à savoir la fin définitive d’un état relié ombilical. Dehors, chaque citoyen doit être capable, s’il a bien reçu l’éducation et l’enseignement qui lui sont dus, et s’il a accepté qu’il n’est pas le seul sur terre mais qu’il y a les autres, d’être partie prenante dans les affaires du pays, d’être une voix à part entière.

« Qu’ils s’en aillent tous ! » est le slogan, rappelle Jean-Luc Mélenchon, « par lequel a commencé chacune des révolutions qui, depuis dix ans, régénèrent, l’un après l’autre, les pays de l’Amérique du Sud. » Des pays beaucoup moins nantis que la France, mais qui ont pourtant à main nue renversé la table des puissants, « et commencé à reconstruire leurs pays que le libéralisme a saccagés. » C’est possible que l’infantilisme implicite, la sous-estimation et l’auto sous-estimation, que la logique de l’humiliation sous le masque de l’aide, cessent. C’est possible que la montée irrésistible d’un torrent d’énergie collective engage une guerre défensive et immunitaire contre « l’arrogance bouffie de certitude et de contentement de soi des nomenclatures libérales et social-démocrate. » Celles-ci, forcément, puisqu’elles sous-estiment ceux qu’elles ne voient même pas comme des adversaires, comme des ennemis, tellement elles les voient petits, dépendants, et anesthésiés au mode de vie de ces super-consommateurs que les images planétaires montrent, « n’ont rien vu venir ». « Fortes d’être aux commandes depuis toujours, certaines d’appliquer la ‘seule politique possible’ ».

« Je souhaite une révolution ‘citoyenne’ en France. L’adjectif ‘citoyenne’ indique à la fois le moyen et la finalité de cette action. » Précision qui vise à contrer une imagerie puérile qui voudrait voir dans ces citoyens révolutionnaires des gens non éduqués, incapables, immatures, qui auraient encore et toujours besoin de tuteurs. Car évidemment Jean-Luc Mélenchon se pose la question de comment faire pour que ces citoyens n’aient plus besoin de tuteurs en guise de représentants politiques. Dans son livre, on comprend que pour Mélenchon un citoyen ne peut devenir révolutionnaire que s’il est éduqué, cultivé, responsable, libre psychiquement dans sa pensée, dans sa faculté de juger, d’évaluer, de se défendre, et de vivre en paix avec l’autre. Rien d’un grand soir armé avec des sauvages cherchant à tuer les ennemis friqués. La guerre défensive immunitaire est d’une autre nature. Elle vise à faire dominer la vie pour chacun des êtres humains, non pas entasser pour soi le plus possible de richesses pour perpétuer la sensation qu’on est encore dans un ventre, et tant pis pour les autres, c’est qu’ils sont moins compétents et moins intelligents.

Primat des urnes, pour une implication populaire massive, réellement démocratique, alors qu’il est de plus en plus évident que les libéraux « sont en froid avec la démocratie. » Il n’y a qu’à voir ce traité de Lisbonne qui a annulé la décision des citoyens !

Bien sûr, il s’agit d’un renversement du pouvoir ! Puisque la révolution citoyenne reprend à l’argent roi, puisqu’elle initie une vie d’une autre nature, qui n’est plus de l’ordre de l’addiction à la marchandise. Si cette révolution veut changer les institutions par les urnes, c’est que, en renversant la primauté de la finance, en abolissant le dogme de la concurrence non faussée, elle décide de ce que le mot « richesse » veut dire, à savoir qu’il s’agit de l’humain d’abord. En renversant la primauté de la finance, cette révolution citoyenne par les urnes recueillent de vraies voix, il s’agit de faire ce qui est bon pour tous en tant qu’êtres humains, et non plus ce qui est bon pour les uns ou pour les autres. Cette guerre immunitaire défensive qui se lève et se mobilise avec la voix enthousiaste de Jean-Luc Mélenchon, vous voyez bien, ne vise pas à tuer l’ennemi, puisque cet ennemi est aussi un être humain. Il s’agit juste que cet ennemi, qui prétend faire ce qui est bon pour les uns ou pour les autres et non pas bon pour chaque être humain, qui fait donc des différences par lesquelles certains ont presque tout et les autres bien plus nombreux se partagent le presque rien, perde sa prétention hégémonique face au citoyen révolutionnaire qui veut juste, dans sa guerre, faire dominer la vie de chaque être humain sans distinction, puisque aucun être humain né n’est plus être humain qu’un autre. Il n’y a que dans un régime matriciel qu’on a tout pour soi, par le cordon…

L’intérêt général défendu par Mélenchon est un intérêt objectif commun à toute l’humanité, par exemple l’écologie politique. Il est toujours défendu par une délibération collective, rien n’est irréversible, il n’y a pas de vérité révélée, la révolution citoyenne est laïque.

Par conséquent, ce livre de Jean-Luc Mélenchon, qui appelle chacun d’entre nous au réveil, un réveil citoyen, n’est ni un manifeste ni un programme. Il vise juste à nous rendre enthousiastes, à mobiliser l’estime de soi, à secouer notre résignation, l’anesthésie de nos cerveaux formatés par tant d’images induisant nos choix et nos habitudes. Il nous invite à tourner la page, à nous engager dans l’action, à être créatif pour sortir la civilisation humaine de l’impasse de plus en plus criante. Ce livre nous fait entrevoir que dans cette crise sans précédent on peut encore être optimiste ! Car après tout, sortir du ventre de nos prêts-à-penser et à consommer, c’est justement naître, et à partir de là c’est autre chose, tout reste à inventer.

Ce n’est donc pas une alternance à la papa (et oui, quand j’évoquais ce père…) entre UMP et PS que propose Mélenchon. Il vise à la récupération totale de sa souveraineté par le peuple, ceci dans tous les secteurs de la vie en société ! Mais il ne s’agit pas de tomber de Charybde en Scylla, de passer de la dictature de l’actionnariat à celle des corporations ! Il y a infiniment plus de maturité que ça dans les propos de Mélenchon ! Il veut juste la primature de l’intérêt général dans tous les domaines, où l’implication populaire responsable est le maître mot, tandis que le mouvement social en est le moteur.

Le héros de cette histoire, c’est, dit-il, le citoyen, ce mutant. Je dis, l’être humain né, qui est abandonné à la lumière du dehors, à la vie à vivre, à inventer, à construire, avec les autres. Citoyen qui n’est plus parlé, qui n’est plus écrit, qui n’est plus anticipé, qui n’est plus calculé, mais qui parle, qui pense, qui juge, qui invente, qui imagine, qui se défend, et qui voit l’autre à côté de lui. Car, pour devenir un citoyen, il faut sortir de ses intérêts personnels, de sa bulle, de sa poche, il faut s’arracher à tous ses préjugés, et être capable de proposer ce qui est bon pour tous. Le but sera toujours d’identifier, dans chaque domaine, quel est l’intérêt général, et de le mettre en œuvre, et chacun agit et propose sous cet impératif. Il s’agit d’une « refondation » du pays. Mélenchon propose une Constituante pour notre pays. Il faut un changement global de notre Constitution, en convoquant une Assemblée constituante par le biais de laquelle chaque Français s’impliquera dans la réécriture de ce pacte qui les unit comme peuple et comme nation. En un sens, le dehors où vivre avec les autres, c’est tout nouveau… Peut-être plus que ré-appropriation, il s’agit d’une appropriation pour la première fois vraie, si elle réussit, de la démocratie politique. On peut faire le pari. Au Venezuela, rappelle Mélenchon, des millions de pauvres se sont impliqués dans des dizaines de milliers de débats nécessaires à la rédaction du texte, et ils sont allés voter en masse pour élire les députés constituants. « La Constituante en France sera une renaissance de notre peuple, et par là une refondation de notre patrie républicaine. » « Si nous renonçons à être citoyens, nous cessons d’être le peuple de cette Nation. Nous sommes seulement les occupants d’un territoire. »

« Partout, la citoyenneté doit être au poste de commande… un processus… il lui faut habiter les personnes… Oui, tout commence dans les têtes et dans les cœurs ! » Pour une fois, quelqu’un qui ne sous-estime pas les êtres humains par un discours mielleux ! La révolution citoyenne a la capacité à entraîner et à éduquer. « Ensuite, il y a la production culturelle et artistique de ceux qui décideront d’engager leur créativité dans notre bataille. » Oh oui, nous nous engageons ! Sur ce plan, on ne peut rien prévoir, « C’est le domaine de la liberté totale, de l’imagination des personnes et des groupes. » Aucun être humain n’est sous-estimé dans sa capacité d’apporter sa pierre à l’œuvre, n’est un subalterne qui doit éternellement remercier qu’une intelligence supérieure lui consente une petite place et donc le fait vivre. La société que propose Mélenchon « dispose d’instruments dont c’est la fonction de préparer chacun à jouer son rôle civique. » Ce sont des citoyens éduqués qu’ils voient, non pas des sauvageons dans les mains du populisme.

Il faut donc reconstruire l’école, qui doit préparer les jeunes à devenir des citoyens, dont la définition intellectuelle est : « être capable d’énoncer non ce qui est bon pour soi, mais ce qui est bon pour tous. » Extraordinaire ! Lorsque nous sommes vraiment nés, dehors, nous n’avons plus, tout prêt autour de soi, une enveloppe placentaire qui alimente un seul humain sans qu’il ait à s’en soucier. Seulement dans ce temps-là, dans cet ancien régime, ne compte que l’intérêt personnel. Dehors, il s’agit d’abord d’organiser, de fonder, d’inventer le lieu où nous allons vivre avec les autres, c’est ce qui est bon pour tous qu’il est indispensable de mettre en place, en prenant une distance infinie d’avec les intérêts personnels d’abord et les préjugés qui visent tous à inférioriser l’autre pour mieux l’asservir sur la base d’une dette impayable. Mélenchon souligne qu’être citoyen, ce n’est pas une question d’instruction civique, c’est toute la sensibilité de chacun qui s’engage dans ce processus. L’école républicaine doit être laïque, elle doit éveiller la liberté d’esprit et non pas la verrouiller par des verrous dogmatiques. Une école où il ne s’agit pas seulement d’être instruit mais aussi éduqué. Il y a tant de gens qui sont en effet instruits, dans un parcours inégalitaire souvent où les meilleures filières ont été pour eux grâce à l’argent, mais qui ne sont en rien éduqués, si on les observe bien. Cela se sent au quart de tour, une personne éduquée ! Pour elle, c’est l’humain d’abord, ce n’est pas on a bien le droit d’avoir notre petite vie bien à l’abri, on peut tellement le prouver par des alibis en béton ! Les goûts et la sensibilité doivent être éveillés et éduqués, et ceci ne peut en rien se faire en protégeant de tout l’humain qui grandit, et en lui mettant à disposition, tout cuit, le meilleur pour toi et tant pis pour les autres. Devenir des êtres accomplis, c’est autre chose, alors les personnes sont capables de « comprendre par empathie autant que par raisonnement ce que nos semblables peuvent être. »

Viser l’excellence : être le peuple le plus éduqué du monde ! Progrès humain qu’il nous propose. Ne plus être des gens égoïstes et indifférents qui ont été élevés dans le moi d’abord, parce que moi je suis un génie, et moi je suis compétent, et moi je suis la serviette et toi le torchon. Les véritables sauvages ! « Eduquer est la tâche prioritaire d’intérêt général du pays. Dès la toute petite enfance, et tout au long de la vie, il faut s’éduquer sans relâche et devenir une meilleure personne pour soi et pour les autres. La révolution citoyenne est un humanisme politique. » Quelle force !

La politique actuelle a saccagé le système éducatif républicain pour orienter les gens vers les systèmes privés, pour constituer un marché de l’éducation. Marchandisation des savoirs ! Si on a de l’argent. Si on habite là où il faut ! Si on peut payer des cours privés de préparation aux concours ! Si on peut payer de grandes écoles coûteuses ! « A la fin du processus, il y aura des marchands de formations en concurrence les uns avec les autres, vendant chacun leurs mixtures de diplômes plus ou moins réputés et une clientèle dégoûtée pour ce qui restera de service public. » « Le programme de la révolution citoyenne, avant toute chose, est de renverser de fond en comble cette logique. » Et, bien sûr, que « les fonds publics soient strictement réservés aux établissement publics. »

Bref, j’invite à lire ce livre qui donne envie ! Alors que les Etats-Unis ont leur armée partout, la guerre défensive immunitaire à laquelle appelle, selon moi, Jean-Luc Mélenchon, n’a pas tant besoin d’une armée, mais se met en marche en mobilisant les ressources humaines que chacun sent en soi dès lors que la pierre tombale de la sous-estimation n’en fait pas un mort-né juste capable de servitude volontaire. La remarque de Mélenchon à propos de cette Chine qui n’engage son armée nulle part, mais est pourtant en train de dépasser les Etats-Unis en train de s’effondrer, est très intelligente. Nous ferions mieux, nous pays européens, de nous tourner vers ces pays émergeants, et ne pas nous laisser entraîner dans la chute par des choix atlantistes… En ne perdant pas de vue que la paix n’est pas l’état de nature de nos sociétés, que c’est une construction politique très délicate, qui combine beaucoup de facteurs instables. La guerre défensive immunitaire ! Alors que tout se passe à présent comme si la guerre était pour toujours le problème des autres, devenir citoyen ne serait-ce pas apprendre à se battre en mettant l’humain d’abord, en le faisant dominer, et en vainquant les agressives tentatives de faire primer les intérêts personnels. Ah cette pulsion permanente à s’affronter entre voisins ! Mais l’intérêt de tous et de chacun est de vaincre cette pulsion-là !

Voilà : un magnifique projet de politique humaniste ! Cela fait envie, non ?

Alice Granger Guitard

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