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De la mesure en toutes choses
12 mars 2011, par Bouchta Essette

Il ne s’agit pas toujours de faire (n’importe quoi) pour bien faire, encore faut-il faire en sorte que ce que l’on a décidé de faire, soit fait non seulement avec le savoir-faire indispensable, (ce qui est nécessaire et pas suffisant) mais en tenant surtout compte du bon moment où ce faire doit être fait. Ce pari, le souverain du Maroc l’a bien relevé quand il a enfin parlé à la nation dans son discours du 9 mars. Il n’a pas raté le coche. Il a choisi le moment idoine pour répondre aux interrogations et aux doléances de la jeunesse marocaine. Ce geste a plus d’une signification : d’abord le souverain s’est démarqué des autres chefs d’Etat arabes qui ont mis du temps à réagir à l’appel de leurs peuples, en usant de ces tergiversations ridicules et ces calculs trompeurs, ce qui leur a coûté extrêmement cher. Ensuite, le souverain du Maroc a fait preuve d’une modestie exemplaire. Il n’a pas dédaigné la jeunesse, ce que celle-ci lui revaudra au centuple. Son mérite est en effet de ne s’être pas dressé comme un rempart contre le vent de la réforme qui a commencé à déferler sur le monde arabe comme un tsunami indomptable, il a eu le flair d’adopter l’attitude d’un roseau qui, face au vent plie et ne casse pas, pour se redresser bien sur son séant une fois le danger écarté.
Le discours du souverain est significatif à plus d’un titre. Son intérêt particulier, c’est l’esprit dans lequel il est conçu. Les observateurs ne manqueront pas de remarquer que si la jeunesse du 20 février a formulé des demandes claires et somme toute sobres, politiquement réalisables, le souverain a pris cette jeunesse de vitesse en lui accordant plus que ce qu’elle n’avait escompté. Les répercussions du discours royal a eu un impact positif aussi bien sur le monde intérieur que sur le monde extérieur. Une lecture dans ce discours permet de dégager quelques traits fondamentaux qu’on aimerait bien rappeler. Le souverain, qui se contente de dresser une sorte de canevas ou une feuille de route, a particulièrement insisté sur la révision de la Constitution, véritable cheval de bataille sur lequel la jeunesse marocaine fonde tout son espoir. Celle-ci doit, entre autres, tenir compte de trois questions fondamentales : une régionalisation avancée, un appareil judiciaire libre et responsable et la dotation du premier ministre de pouvoirs exécutifs plus élargis, le reste des questions est laissé à la discrétion de l’équipe. Ces trois questions fondamentales sont un véritable pilier constitutionnel à même de permettre à la société marocaine de se prémunir contre dérives et exactions.

Par ce geste sagement prémédité, le souverain aura pris de vitesse tout le monde, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. De ce fait, il se sera acquitté de sa tâche. La rue marocaine, nous pensons en l’occurrence à la jeunesse, a été sensible à la magnanimité du souverain et à sa générosité ; elle y a répondu par une manifestation d’appui spontanée et un enthousiasme symbolique. Le roi aura ainsi été sage et prudent en prenant cette noble décision de communier avec sa jeunesse sur laquelle il peut beaucoup compter, évitant de tomber dans le piège dans lequel se sont enferrés des dirigeants imprudents. Le roi s’est ainsi prémuni contre toute tentative hasardeuse de déstabilisation de quelque côté qu’elle puisse venir ; et le Maroc est comme automatiquement mis sur des rails solides.

Cela étant, le peuple marocain ne doit nullement céder à l’euphorie. Dans ce combat qui semble gagné, il n’a pas intérêt à baisser la garde. Car rien n’est encore définitivement acquis ; surtout que les trouble-fête qui ne manquent pas sont partout aux aguets. En effet, si le souverain a fait ce qu’il fallait, et la bonne foi dont il a fait preuve depuis son accession au pouvoir n’est plus à démontrer, il reste que le gouvernement et les partis politiques ne sont pas forcément crédibles pour la simple raison que le climat politique dans lequel ils se sont formés n’était guère sain, et par conséquent ce qu’ils déploient ne peut remporter la créance de la jeunesse. Pour preuve, depuis l’accession du Maroc à son indépendance, ces deux entités ont toujours constitué une classe à part, sans aucune attache avec la base populaire dont elles ont accentué la paupérisation, se taillant à elles seules la part du lion des richesses du pays. Voilà pourquoi ; de nos jours, on distingue deux classes sociales bien distinctes : l’une vivant dans le luxe absolu, l’autre dans la pauvreté absolue. En effet, depuis le début de l’indépendance, les gouvernements qui se sont succédé étaient toujours de connivence avec les partis politiques, se livrant à de sempiternelles mises en scène, se partageant les rôles, les uns jouant la droite, l’autre la gauche, intervertissant ces rôles à l’occasion de chaque scrutin. A ce jeu exécrable, le peuple était invité à une participation éclair et ponctuelle, et ce, à l’occasion de leur passage aux urnes après quoi il était sommé de rejoindre le coin des oubliettes. Les jeunes qui sont tous nés après l’indépendance ont appris à observer dans le mutisme absolu l’état de dégradation humaine auquel leurs parents étaient assujettis. Ils ont encaissé avec les années à tel point qu’ils se sont sentis réduits à des fils de pauvres dont le credo sociopolitique était « tel père, tel fils ». Voilà pourquoi durant ces longues années, la jeunesse a boudé les partis politiques qu’elle a considéré comme des vampires qui s’abreuvent de leur sang.

La jeunesse a compris en effet que les partis politiques sont formés de gens qui excellent dans l’art de la verbigération et de l’atermoiement. Elle a aussi compris que voter ou non c’est du pareil au même, que les résultats étaient toujours apprêtés à l’avance et que rien ne permettait de changer la donne. Le désespoir et la dépression ont ainsi gagné les cœurs et les esprits libres que sont les jeunes et les vrais intellectuels qui ont été sciemment marginalisés. Considérés comme apolitiques, ces derniers ne l’étaient en fait que vis-à-vis de ce que le sens commun appelle « la sale cuisine », autrement dit, la politique telle qu’elle est pratiquée par les prédateurs.

Ce sont là les véritables raisons qui expliquent le très faible taux de participation lors des derniers scrutins dans le début de ce millénaire. Ces raisons, les chefs des partis politiques les ont toujours occultées, excellant les uns et les autres, à l’envi, dans des allégations tellement superficielles et tellement saugrenues qu’elles rendent leurs auteurs ridicules. Dans l’état actuel des choses, ces partis politiques ont tout intérêt à se convertir. Notre pays n’en a nullement besoin. Il est donc temps qu’ils disparaissent pour permettre au Maroc de prendre son envol dans la sérénité.

Le souverain a rempli judicieusement sa mission, il a donné une bonne leçon de mesure pour qui voudrait s’en inspirer, au comité chargé de la rédaction de la constitution d’en faire de même. Aussi, au lieu de se concerter avec les chefs des partis politiques que le peuple a reniés pour leur vision étriquées et leurs approches suspectes et éculées, a-t-il tout intérêt à interpeller les véritables intellectuels dont notre pays regorge, de nouveaux visages qui sont à même de revigorer un pays qui bat de l’aile depuis qu’il a été squatté par des sexagénaires décrépits, qui en ont paralysé l’économique, le politique et le social. Que ces vieux politiciens sachent que le souverain du Maroc a juré le changement dans le pays, pour cela, il a l’aval de la jeunesse, mais aussi des intellectuels indépendants et technocrates qui sortiront de leur mutisme pour participer à l’édification d’un Maroc libre et fier.

Bouchta ESSETTE

Messages

  • je suis tout a fait d’accord avec vous cher professeur,j’apprecie beaucoup votre analyse du le discours royale,je vous souhaite une bonne continuation.

  • Permettez-moi,cher professeur, de vous remercier pour votre analyse concernant le discours royal. certes, qu’ils veuillent ou non ce n’est plus le jour des polititiens parce que la pièce théatrale nommée (politique) n’a plus aujourd’hui de spectateurs, la jeunesse marocaine a assez vécu dans l’abstrait via les promesses dérisoires sous formes de récitation à chaque fois on a une élection.
    Faites confiance aux jeunes !
    et merci encors fois Monsieur.

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