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Le Raïs n’est plus, le Zaim agonise
22 février 2011, par Bouchta Essette

Apparemment, on peut se lasser de tout : de l’argent, de la vie et bien d’autres friandises, mais pas du pouvoir. Sinon comment peut-on comprendre l’entêtement du Zaim Kaddafi, qui encore plus abruti que ses prédécesseurs Zine et Mbarek semble n’avoir rien compris de ce qui s’est passé à sa gauche et à sa droite. Il faut être ou aveugle, ou fou, ou les deux à la fois pour ne pas voir et comprendre que quand le peuple parvient à dire expressément NON à son gouvernant, ce dernier n’a plus qu’une seule possibilité : plier ses bagages et déguerpir. Le vrai courageux aura dit un poète arabe classique, est celui qui ne demande pas son reste quand il a flairé l’imminence du danger. Mais le Zaim, sans doute imperméable aux nuances, doit confondre courage et témérité, ou plutôt courage et opiniâtreté. Car au lieu d’adopter une attitude qui soit digne de quelqu’un qui se réclame de la gent humaine, il s’est comporté tout simplement comme un fou.

Qui c’est Kadhafi ? Un sanguinaire. Un Caligula. Un Néron. Il est les Tatares. Il est les Mogols. Il est les Huns. Kaddafi est en fait tout cela. Un personnage au pluriel. De fait, Kadhafi est plus que tout cela. Depuis une quarantaine d’années (et sa détermination était probablement de réaliser le record en y restant pour un petit siècle, qu’est-ce que cent ans par rapport à l’éternité ?), à lui seul, ou lui et son immense alter ego, ils incarnent l’État de Libye. Kaddafi est le chef de l’État, il est l’État, il est aussi le Premier ministre, il est même les ministres, ou si vous voulez le gouvernement, il est le philosophe et le pré visionnaire, l’auteur d’un torchon dit livre vert (voulu révolutionnaire à l’instar au livre rouge de Mao) il est le médecin, il est l’ingénieur, il est le professeur pédagogue, il est l’ingénieur et l’architecte, il est le conseiller conjugal, il est le père et la mère des Libyens, et peut-être des autres (une espèce de mère gigogne) des Arabes et des Africains dont il s’est autoproclamé le roi. Kaddafi est aussi le théologien qui préside aux prières des vendredis dans les pays africains aussi bien pour les musulmans que pour les chrétiens et les animistes. Kaddafi est l’omnipotent. Il est le conseiller qui prodigue aux Africains des règles de conduite en politique intérieure et extérieure. Qui peut égaler son encyclopédisme ? Et il est le casuiste. Mais il est aussi autre chose. En sa qualité de personnage protéiforme, il adopte une attitude tout à fait opposée devant les Occidentaux. Personnage versatile et fanfaron, il est tantôt le gascon qui affiche une apparence hautaine devant l’Occidental qu’il se réjouit de taquiner quand ce dernier lui a tourné le dos, quand il s’agit de parader comme un paon boiteux et malade, tantôt il se fait petit comme un rat pris au piège quand un Occidental l’admoneste en lui tapant sur les doigts. Kaddafi est un personnage imprévisible. On a beau être politologue, pédagogue, sociologue, ornithologue, cardiologue, astrologue, jamais on ne parviendra à le saisir par la patte, à le cataloguer, le sérier. Kaddafi représente le côté négatif de Socrate. Quand celui-ci usait d’une ironie constructive et intelligente, Kaddafi, en mauvais épigone, verse constamment dans une ironie de très mauvaise facture, parce que gauche et stupide. Toujours caustique à l’égard de ses pairs dirigeants arabes (qui tout compte fait doivent mériter tous les affronts possibles qu’ils soient d’origine kaddafienne ou autres), il est l’élément distingué qui crée toujours des situations causasses au cours des conférences de la ligue arabe dont il n’existe pas une seule où il ne se soit distingué par des attitudes et des réflexions dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles sont à la fois ridicules et saugrenues. Et puisqu’il peut être considéré comme un phénomène imprédictible, il serait impossible de circonscrire tous ses éléments définitionnels. De ce fait, on serait tenté de résumer ce qui a été dit et ce qui est indicible en une seule phrase simple : Kaddafi est un fou à lier.

Et pour cause. Kaddafi n’a apparemment jamais rien compris et ne comprendra d’ailleurs jamais ce qui se passe dans ce monde, tant il est trop préoccupé par lui-même, par ses fantasmes et ses hallucinations. Aussi a-t-il été plus loin que ses amis de l’Est et de l’Ouest, en remontant le temps pour lui emprunter des méthodes désuètes : l’engagement des mercenaires africains qu’il a engagés à la faveur des pétrodollars qu’il a volés à son peuple. Personnage lunatique, excentrique et sanguinaire, il n’y a pas une atrocité qu’il n’a pas employée pour mater son peuple en cherchant à lui imposer sa volonté diabolique et destructrice. Comme ses prédécesseurs, il semble drogué par le pouvoir au point de tout risquer pour le conserver au grand mépris du sens de la dignité. Kaddafi est sans doute drogué, voire possédé, sinon, comment n’a-t-il pas compris que le peuple qui lui a dit NON ne peut pas se dédire, n’en a pas le droit ? Le peuple n’est pas un ministre qu’on peut acheter, un chef politique qu’on peut intimider, un responsable public qu’on peut terroriser, un peuple est une masse compacte, indivise dans laquelle se dissolvent les différentes identités, comme se dissolvaient, dans les pratiques arabes ancestrales, les identités quand il s’agissait d’engager des jeunes de différentes tribus pour exécuter ensemble une tuerie ou un massacre, de telle sorte que ce sang immolé se répande entre ces différentes tribus participantes, rendant quasiment impossible une éventuelle réaction revancharde. Kaddafi veut asservir le peuple, et c’est le peuple qui l’a asservi. Ni ses pétrodollars, ni le mutisme des gouvernants cyniques tant occidentaux (qu’il a servis quand, menacé de perdre son pouvoir, il a dû tourner casaque), qu’Arabes (réduits à l’impuissance) ne peuvent lui être d’une quelconque utilité. Malgré le sang écoulé, malgré les crimes perpétrés, malgré les monstruosités démontrées, Kaddafi, sans aucune imagination, a commis exactement les mêmes bêtises, a reproduit les mêmes imprudences que ses congénères tunisien et égyptien en se croyant encore capable de contenir le tsunami populaire qu’aucune force au monde ne peut arrêter. Les mêmes, parce qu’il emploie une tactique clonée sur celle employée par Moubarak en arborant la matraque et la carotte, en prétendant que s’il disparaît de la scène politique libyenne, l’anomie et partant la famine seront fatales. Mais ni la matraque n’a d’effet, ni de goût la carotte. Voilà ce qu’est en somme la dimension et l’étoffe de Kaddafi et de tous les potentats sanguinaires de son acabit qui ne tirent jamais d’enseignement de l’histoire, car tout aveuglés qu’ils sont par le pouvoir, ils répètent les mêmes folies, subissent les mêmes châtiments et sont voués aux mêmes gémonies, condamnés aux mêmes supplices. Moubarakisme ou Kaddafisme, c’est du pareil au même.

Bouchta ESSETTE

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