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Etre ou ne pas être, voila le défi
2 février 2011, par Bouchta Essette

Quand le peuple décide d’être, personne d’autre ne peut être. En étant, à lui seul, le peuple, avec sa seule foi, peut tout faire et défaire. Le peuple n’est pas un Etat qui nécessite des institutions, des règles, des références. Le peuple n’est pas non plus un système politique ou une organisation structurée avec une pyramide de dirigeants. Le peuple est simplement un ensemble de personnes qui ont pour seul guide un instinct de conservation qui leur donne la force nécessaire pour affronter les idéologies et les systèmes de pensée, les armes et les systèmes de défense techniques. Le peuple fait foi en sa nature qui est son seul guide, et qui se caractérise par une impulsion irrésistible pour la dignité et la liberté. On a beau museler un peuple pendant des mois ou des années, voire pendant des siècles, il dort, il ne meurt jamais.

Le peuple arabe qui a été pendant des décennies victime d’une panoplie de contraintes, de pressions et de forces exercées sur lui tant par les différents colonisateurs occidentaux que nationaux qui se le sont renvoyé a, pendant toute la deuxième moitié du 20ième siècle, donné de lui-même une image si négative, si lugubre que la plupart des observateurs l’ont considéré comme carrément inexistant. On a malheureusement tendance à ne voir que la face apparente de l‘iceberg. Faut-il rappeler qu’un phénix, quelque mort qu’il donne l’impression d’être, il finit tôt ou tard par renaitre de ses cendres.

Au cours de la seconde moitié du 20ième siècle, le peuple arabe qui croyait renaitre après le départ du colonialisme était si grisé par l’euphorie que lui ont procurée les délices des indépendances qu’il a oublié la mise en train d’une relève responsable. Cette griserie rappelle à plus d’un titre les délices de Capoue qui te font oublier l’essentiel. Aussi a-t-il involontairement laissé faire une poignée d’opportunistes que le colonialisme a cyniquement érigés en leaders politiques à qui il a confié les rênes du pouvoir. Ces nouveaux maîtres détachés des leurs parce qu’ayant signé des pactes avec des colonisateurs, ont conçu une nouvelle politique basée sur le mensonge à l’égard des peuples sur le dos desquels ils se sont hissés. De la sorte, le colonisateur aura maintenu une main basse sur les anciennes colonies qu’il continuera à exploiter en changeant uniquement de tactique, la stratégie étant toujours la même. D’un autre côté, ces nouveaux leaders arabes, manipulés par leurs maitres occidentaux ne ménageront aucun effort pour asservir leur peuple en installant des institutions préfabriquées et en créant des partis politiques et des syndicats en leur attribuant des rôles précis à jouer, faisant des uns des opposants , des autres de simples applaudisseurs, tout cela dans le but de créer une espèce d’illusion de réel. Toutes ces politiques qui se caractérisent par un manque de transparence, par des messages et des actions ambigües se rangent dans cette discipline qu’on appelle « la politique ». De ce fait, faire de la politique, c’est exceller dans l’art du mensonge et de la supercherie, dans l’art de la mystification et de la duplicité. C’est sans doute dans ce sens qu’Anouilh aura dit : « En politique, rien n’est vrai que ce qu’on ne dit pas ». Il serait donc plus sage de refuser tout système si l’on a envie de se retrouver soi-même dans sa nature véritable et sa spontanéité. Et c’est cela qui fait la singularité d’un peuple qui encore une fois ne doit être confondu ni avec l’Etat, ni avec le gouvernement, ni avec les parties politiques, ni avec les syndicats professionnels, ni avec les associations caritatives, culturelles, sportives ou autres. Tout cela découle du système, de l’organisation, de la maîtrise, quand le peuple c’est un ensemble d’individus, initialement disparates. C’est donc un ensemble qui ne fait ensemble que quand l’utilité de l’ensemble s’impose pour après se dissoudre une fois sa mission accomplie.

A la lumière de cela, on est en mesure de comprendre les deux peuples tunisien et égyptien qui, après un long sommeil auquel ils étaient invités à cause de ces faux partis politiques, de ces fausses associations de toutes sortes, de ces faux syndicats, car toutes ces tendances, malgré leurs diversités apparentes, n’en restent pas moins produites par la même matrice étatique, laquelle matrice elle-même est produite par une politique néocoloniale.

Le problème de ces leaders arabes postcoloniaux, c’est qu’ils ont naïvement cru que tout est définitivement scellé : d’une part, ils ont la bénédiction de leurs maîtres occidentaux dont les EUA, la France, l’Angleterre, L’Allemagne. D’autre part, ils croient s’être définitivement rassurés de la docilité des peuples par l’entremise de ces différentes instances organisationnelles dont on a parlé. En considérant les choses sous cet angle, on dirait qu’effectivement tout est maîtrisé. Une poignée de politiques constituée de gouvernants se partagent les biens des pays tout en réservant des espèces de dividendes en nature ou en espèces à l’intention de leurs maîtres occidentaux, et aux responsables des institutions politiques quelques miettes si et seulement si ils sont capables de maintenir les peuples dans une profonde léthargie, et ce en faisant systématiquement le contraire de ce qu’ils disent, car dire est une chose, faire en est une autre. Au peuple finalement, ils ne concèdent que le strict minimum qui lui permet de survivre afin de trimer. Dans ces conditions, le peuple travaille durement, vit misérablement et donne la nette impression qu’il accepte volontiers le sort qui lui a été réservé. Mais ni le gouvernant, ni non plus son larbin, le politique, ni le peuple lui-même sans doute ne savent que rien ne disparait littéralement et que les désirs refoulés, écrasés resteront latents jusqu’au moment où ne pouvant plus supporter leur compression ils finiront par s’exploser produisant ainsi l’impondérable.

Les peuples arabes, voyant donc l’injustice sans pouvoir réagir, ravalent dans le fonds d’eux-mêmes les sentiments d’opprobre que la réaction de la Ligue arabe a alimentés, et cherchent à s’accommoder d’un quotidien que marquent l’injustice, le népotisme, le favoritisme, l’exploitation, l’animalisation, la déshumanisation, la maladie, la faim, et tous les autres maux sociaux. Ils rêvent toujours d’un jour meilleur où les partis politiques, et les députés qui les représentent, les gouvernants qui les assujettissent leur proposent des solutions qui soulagent leurs peines. Hélas, au lieu de cela, ces décideurs politiques ne trouvent rien de mieux à offrir à ces peuples affamés que des mots, rien que des maux. Et voilà que tout de go, la fatalité s’abat sur tout le monde, et une main invisible se détache pour secouer leur léthargie et libérer leurs désirs refoulés

L’impressionnant dans tout cela, c’est que cette main invisible a la vertu de libérer le corps, les désirs et la langue. Spontanément, le corps des peuples va se déchaîner et ce sera la casse, le vol, le viol, oui, tout cela sera permis, comme dans un carnaval. Comment en vouloir à cette énergie qui a été refoulée pendant des décennies ? Comment peut-on faire une omelette sans casser d’œufs ? Peut-on cueillir une rose sans se faire piquer par des épines ? Pourquoi vouloir à tout prix tout idéaliser ? Y a-t-il jamais eu dans le monde et dans l’histoire une révolution propre, sans dégâts collatéraux ? Alors pourquoi chercher à accuser les peuples tunisien et égyptien en les présentant comme des voyous et des hors la loi quand ils ont commis ces exactions somme toute prévisibles et vraisemblables ? (Que le lecteur ne soit pas de mauvaise foi en attribuant à l’auteur de ces mots des intentions qui ne sont guère les siennes). De fait, que peut-on attendre d’un peuple réduit à rien quand il a finalement la possibilité de s’exprimer ? Que tous les despotes sachent que l’être humain a une nature agressive, et qu’en fonction d’une bonne ou une mauvaise éducation on l’apprivoise ou on l’exacerbe. Et puis l’expérience nous apprend qu’on n’a jamais rien acquis sans avoir au préalable consenti des sacrifices substantiels.

L’autre organe le plus inhibé est vraisemblablement la langue. Autant elle a été muselée, autant elle prend sa revanche en devenant une fois déliée, plus caustique et plus acerbe. Quand le peuple a appris à dire OUI, il est dispensé du reste. Son oui est suffisant, car il permet de tout entériner. Il confirme un fait ou un état. Le oui est laconique. Tout au plus, il se double. En revanche, un non est plutôt dysphorique, on a souvent du mal à le prononcer. On a peur. On a honte. On pense à autrui. On risque de l’indisposer, d’irriter sa susceptibilité. Mais une fois qu’on la dégage, cette langue et la libère, tout devient permis, et ce qui a été pour longtemps comprimé s’exprime dans toute son amplitude. On ne lésine plus sur les figures de style pour bannir un oui répréhensible. Sont invoqués des circonlocutions, des amplifications, des hyperboles, voire des adynatons. Car il s’agit de rattraper le temps perdu, les années de silence où les langues ont été paralysées. Que n’a-t-on pas dit de Ben Ali et de Moubarak ? Le mérité et même le non mérité. Et le tout va fondre ensemble pour donner lieu à un message, sinon légitime, du moins légitimé.

Le peuple ainsi accède à la liberté, car plus aucun gouvernement despotique ne le bâillonne, plus aucun parti politique ne peut hypothéquer ni orienter ses désirs, car lui, le peuple n’a signé aucun contrat de quelque nature que ce soit avec une force qui le dépasse. Il n’a pas de rapport direct ou indirect, comme l’ont les gouvernants, avec l’Américain, le Français, l’Anglais ou l’Allemand.

Si le peuple égyptien a surpris les puissances par son indépendance par rapport à toute force politique systématisée (et c’est précisément cela même qui a fait sa force), il doit se surprendre lui-même en se demandant comment, ayant toute cette énergie dans le tréfonds de lui-même, il ne s’en est pas rendu compte. En tous les cas, il se sent fier de lui-même, de sa force, se rit de son gouvernant qui l’a toujours berné par une force factice, inexistante, et se rit aussi de lui-même pour avoir méprisé ses propres potentialités. Il se rit de son gouvernant qui s’est toujours prosterné devant l’Occidental, mais il se rit aussi de lui-même pour s’être prosterné devant un vil prosternateur .

Voilà comment les peuples tunisien et égyptien ont réussi, car ils ont fait confiance uniquement en leurs propres potentialités. Ils doivent avoir compris que les échecs qu’ils avaient essuyés auparavant étaient dus, non pas à leurs mauvaises appréciations des choses, mais aux marchandages politiques auxquels se livraient bassement les soi-disant partis d’opposition. Derrière tout échec, il doit y avoir quelque part une trahison, et un peuple aussi massif comme le peuple égyptien ne peut ni se tromper ni échouer, car il a écarté de son chemin Autrui qui le trahissait. Autrui c’est l’enfer. Autrui c’est le gouvernant de la honte et de la nausée. Pour preuve, qu’a fait Sarkozy pour Ben Ali ? Rien. Qu’ont fait les Américains pour un Moubarak qui, comme dans des sables mouvants, s’enlise de plus en plus chaque fait qu’il entreprend une action gauche et stupide. Et pourtant qu’est ce que les Américains n’auraient pas sacrifié pour maintenir au pouvoir et sauver le commissaire principal de la sécurité israélo-américaine au Moyen Orient qu’est le Pion Moubarak ? Lui qui a prodigué des services inestimables de toutes sortes, n’est-il pas, en tant que représentant de la plus grande nation du monde arabe, le joker qui a toujours entraîné derrière lui les leaders de la Ligue arabe pour donner à Bush fils et à ses mercenaires le feu-vert pour massacrer et pulvériser le peuple iraquien ? N’est-il pas l’ange gardien de l’Etat sioniste pour qui, sous prétexte que son pays a signé des accords de paix avec Israël, tous les autres pays doivent voir et se taire ? N’a-t-il pas aussi donné le feu-vert à Israël pour écraser le Hamas qui a refusé de se ranger avec les Grands ? N’a-t-il pas fermé la frontière avec Gaza de manière à étouffer le Hamas et l’obliger à arborer le drapeau blanc ? Sans oublier la paupérisation de la majorité écrasante de la population égyptienne qu’il a délibérément orchestrée.

Depuis une trentaine d’années Moubarak n’a jamais été avare dans ses services à l’Égard des Américains et des juifs, ni moins prodigue en matière de coups bas à l’égard des Arabes. Le résultat : Moubarak n’est plus le Rais de l’Egypte, et ce quelle que soit la tournure que prendront les émeutes. Ensuite, il ya une nouvelle vérité qui vient de s’imposer et que confirment les émeutes de la Tunisie et de l’Egypte, c’est que les partis politiques du monde arabes ne seront dorénavant plus crédibles et le mieux qu’ils puissent faire, c’est de proclamer purement et simplement leur autodissolution. Enfin, les sociétés humaines se développant, il y aura toujours des événements imprévus et naturels qui viendront CORRIGER ce que les hommes ont gâché.

Dans cette tourmente, Moubarak, comme un naufragé, essaie de se cramponner à des brindilles pour sauver sa peau. Comme tout désespéré, il n’a pas le temps de réfléchir, car plus le temps passe, plus l’étau se resserre autour de son cou. En effet, au début des émeutes, on se contentait de demander quelques réformes sociales. Très vite, ces revendications sont devenues politiques : on réclamait la dissolution du gouvernement, après celle des deux chambres. Avec le temps, les révoltés sont devenus plus avides, ils demandent le départ de Moubarak. Non seulement avides, mais boulimiques, ils demandent la condamnation à mort de Moubarak. D’ici deux ou trois jours, Dieu sait ce qu’ils vont exiger de Moubarak quand ils l’auront guillotiné. Décréteront-ils des lois comme celles qui ont frappé la progéniture de Tantale ? Pourtant Moubarak ne voit rien, ne sent plus rien, Sonné, il se présente dans le crépuscule de son règne comme un personnage du théâtre de l’absurde. Dans des gesticulations, grotesques et burlesques, il essaie désespérément de sauver des mirages en manipulant des pantins qui sont l’ombre d’eux- mêmes. Tel est vice- président, tel autre est premier ministre, tel autre n’est plus ministre de ceci, mais devient ministre de cela et ainsi de suite. Tout ce manège pour gouverner quel peuple, quel pays ?
Le problème de ces pantins, c’est qu’ils essaient de soutenir un potentat qui est devenu le symbole de l’entêtement, de l’abrutissement et de la tyrannie. Que ces pantins et leurs maîtres impérialistes américains sachent que dorénavant une nouvelle page de l’Histoire du monde arabe vient de commencer avec les révolutions tunisienne et égyptienne. Plus jamais ils ne décideront pour les peuples arabes qui ont découvert la potion magique pour s’immuniser contre les ingérences étrangères dans leur volonté. Le peuple arabe sait plus que jamais que pour être, il faut être soi-même, car Autrui ne sera jamais Moi

Bouchta ESSETTE

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