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Quand tout tombe en décrépitude
31 janvier 2011, par Bouchta Essette

Il est des fois difficile de comprendre même les choses les plus simples. Il y a quelques jours en effet des choses impensables se sont produites en Tunisie, qui se sont finalement soldées par le départ de Ben Ali et la mise en place d’un gouvernement qui a eu du mal à connaitre le jour. C’était une leçon assez instructive pour qui pouvait la comprendre, tellement son contenu est somme toute très évident. Et pourtant, tous ceux que cette leçon tunisienne devait intéresser ont fermé yeux et oreilles, prétendant naïvement que cela ne les concernait pas, que chez eux, c’est bien différent de ce qui s’est passé en Tunisie, que chez eux c’est la démocratie, c’est la liberté, c’est l’égalité et ainsi de suite…, entérinant de ce fait cette expression tant usitée : « cela n’arrive qu’aux autres », comme si effectivement chez eux tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. Abou Lghet (le ministre de l’extérieur égyptien) dont les propos surprennent souvent par leur absurdité dans de pareilles situations, a eu le culot de prétendre que l’Égypte n’est pas la Tunisie, que le système politique de son pays est sain et vivable et par con séquent ce qui s’est passé en Tunisie peut se passer partout ailleurs mais jamais en Égypte.

C’est peut-être cette assurance excessive (probablement plus feinte que réelle) qui donne à penser et qui montre à quel point la bêtise humaine se développe chez ceux qui sont atteints d’un mal quasiment incurable : la volonté de puissance, la passion de l’autoritarisme. Les autorités égyptiennes, président et gouvernement confondus, n’ont apparemment rien retenu des événements tunisiens qui, pourtant, se sont produits à quelques encablures de chez eux. Et pour cause, cet état autocratique qui depuis plus de trois décennies a gouverné avec une main de fer ne pouvait jamais admettre qu’un peuple qui a toujours été littéralement dominé puisse un jour aspirer à la liberté. Comme si les gouvernants étaient prédestinés à gouverner éternellement, et que selon la même logique les gouvernés étaient à leur tour prédestinés à être éternellement gouvernés. En trente ans d’exercice selon un mode de gouvernement autocratique dans lequel des schèmes se sont solidement ancrés, des passions se sont développées, des maladies se sont gangrénées, comme s’en libérer ? Voila pourquoi on a tendance à penser, que tant qu’on est là, on le restera pour l’éternité. Malheureusement, l’éternité n’est jamais que pour elle-même, et jamais pour autre chose. Seule l’éternité est éternelle, tout le reste est périssable. Moubarak, un président sénile ayant exercé un pouvoir tyrannique depuis plus d’une trentaine d’années, ne veut pas admettre qu’aussi bien son pouvoir que lui-même sont décrépits. Refusant donc d’admettre cette évidence, il tentera tout pour pérenniser un pouvoir qui tombe en miettes. Les Égyptiens, tout comme les Tunisiens, n’en pouvaient plus de supporter un pouvoir débile qui les a soumis à l’asservissement. La liberté est un besoin naturel que même réprimé trouve toujours un moyen pour s’exprimer. Le peuple égyptien, apparemment inspiré par la démonstration tunisienne, s’est senti piqué dans son amour-propre, amoindri par et dans sa passivité, et pourtant les deux peuples sont taillés à la même mesure, les deux avaient de vieux autocrates, les deux ont subi un pouvoir violent qui se croyait éternel, les deux auront consenti les mêmes sacrifices pour recouvrer leur dignité. Moubarak avait pourtant un avantage sur Ben Ali. En effet, si le second a été littéralement surpris par une émeute que son arrogance avait empêché d’envisager, le premier en revanche devait recevoir des signes qui, bien interprétés, lui auraient permis d’éviter la catastrophe. Malheureusement pour lui, heureusement pour le peuple, son égocentrisme l’a empêché de bien lire ce que tout le monde devait comprendre , à savoir que les mêmes causes peuvent quelquefois produire les mêmes effets, et par conséquent, le soulèvement du peuple égyptien était non seulement prévisible mais fatal. Moubarak donne l’impression d’être plus abruti que Ben Ali pour la simple raison qu’il a reproduit exactement la même imbécilité que celle dont a fait montre son prédécesseur Ben Ali. Comme ce dernier, Moubarak a usé de la même procédure basée sur le leurre, les atermoiements et la mystification. D’abord il a gardé le même mutisme pendant quatre jours de soulèvement alors que le nombre de victimes (blessés et morts) ne cessent d’augmenter. Il a aussi autorisé son appareil répressif à employer toutes les méthodes draconiennes pour mater les émeutes. Bien plus, apparemment déçu des rendements de la police, il a fait en sorte que l’anomie s’installe pour terrifier le peuple et le pousser à focaliser son attention sur sa sécurité. Voila pourquoi les rues du Caire se sont comme par enchantement vidées de la présence policière, livrant de la sorte le peuple à lui-même et l’exposant à la merci des criminels qui ont été délibérément libérés des prisons. Le système de Moubarak qui prend de l’eau de toutes parts, poussé par son instinct de conservation, va le pousser enfin à sortir de son mutisme. Dans son allocution au peuple qui rappelle à plus d’un titre une de ces allocutions faites par Ben Ali dans laquelle il a révélé aux Tunisiens qu’il les a finalement compris, Moubarak comme un mauvais élève qui dans un examen recopie sur son collègue plus cancre que lui, ressassera les mêmes insanités, à savoir qu’il va finalement entreprendre des mesures urgentes pour remédier à la situation. Encore une diarrhée linguistique qui ne fera qu’attiser le feu dans les rangs des révoltés. Le problème de Moubarak, comme celui de tous les dictateurs, est donc d’être aveugle au bon sens, ne voyant que ce qui peut caresser ses appétits maladifs. Aussi fonce-t-il comme un porc et persévère-t-il dans son entêtement en voulant imposer sa volonté que tout le peuple égyptien a irrévocablement rejetée. C’est pourquoi il est aisé de constater la communion de tous les Égyptiens, malgré la diversité de leurs orientations politiques et idéologiques. En effet, tous, à l’unisson, répètent presque exclusivement le même slogan : le départ de Moubarak. Un minimum de dignité aurait dicté au despote, qui est théoriquement mis au service de son peuple, de respecter sa volonté en s’y pliant. Des appels, des supplications lui étaient adressées de toutes parts, on se contente de citer en l’occurrence deux voix des plus retentissantes : celle du prix Nobel scientifique M. Ahmed Zewil et celle du président des Oulémas musulmans M. Youssef Karadawi, sans compter les milliers d’Égyptiens toutes couches sociales et toutes tendances politiques confondues auxquelles s’est ralliée une centaine de magistrats et même des Oulémas d’Al Azhar, ce qui constitue apparemment une première en Égypte et dans le monde arabe. Vu donc la diversité des émeutiers, on est en droit de se demander quel peuple Moubarak veut gouverner si tous les Égyptiens l’ont refusé, en dehors naturellement d’une poignée de gens de son parti, des hommes d’affaires qui se soucient de la sauvegarde de leurs biens plus que de la personne d’un président massivement abhorrée. Voyant que son système oppressif prend de plus en plus de l’eau, Moubarak va multiplier les bêtises, car au lieu de prendre des mesures graves et courageuses, comme libérer les moyens de communications ( téléphone et internet), annuler l’état de siège qui taraude les Égyptiens depuis des années, dissoudre le faux parlement ou tout simplement présenter sa démission en sortant plus ou moins dignement comme le lui a conseillé Dr Karadawi, il hasardera d’autres manœuvres stériles et désespérés en essayant de trouver quelques appuis derrière lesquels il essayera de se protéger. Il nomme un vice président (poste qui n’a jamais été sollicité pendant tout le long de son exercice) et un premier ministre qui n’est autre qu’un membre du gouvernement démissionnaire. Idée absolument absurde et débile dans la mesure où Moubarak ne semble pas mesurer le degré de l’inanité de ses actions. Et pourtant combien il est facile de comprendre et de faire comprendre à Moubarak que si le peuple l’a refusé, comment peut-il accepter ceux qu’il considère comme ses larbins ? Autrement dit, quand le peuple demande à Moubarak de disparaitre, celui-ci, comme s’il avait ce qu’on peut appeler un strabisme auditif, répond : « voila les réformes que je vous avais promises ». N’est-ce pas là une preuve tangible comme quoi le régime de Moubarak est débile et décrépit, aveugle et sourd, et partant propre à mettre au régime de la retraite ? Tous les faits concourent à le confirmer. Moubarak n’a finalement qu’une seule alternative et une seule : réserver un billet pour la même destination que son compère Ben Ali. Vu les tournures que prennent actuellement la chose politique dans le monde arabe, n’est-il pas légitime de se demander à qui sera le tour ?

Bouchta ESSETTE

Messages

  • Monsieur Boucha,
    Votre article reflète la réalité d’une situation qui dure depuis trente ans.
    Le peuple parle et par respect pour lui il faut que ça change pour le mieux.
    Je n’habite pas la région depuis cinquante ans, le besoin de liberté de penser et d’agir nous ont conduit à la porte et pas un instant je n’ai éprouvé des regrets ou de la nostalgie.
    Actuellement, je m’informe, je regarde les images qui parlent d’elles-même et je me pose la question suivante : après le départ de Monsieur Moubarak et de ses amis...Qui serait le sauveur tant attendu ?

  • Comme si les dirigeants étaient prédestinés à la règle pour toujours et que la même logique que réglementé, à son tour était destiné à être éternellement entraîné.
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