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Même le silence a une fin - Ingrid Betancourt
11 janvier 2011, par Mélèze

Gallimard - 700 pages - 24,90 euros.

Le lecteur excusera le critique trop pressé qui s’est précipité pour que cette petite étude paraisse dans la 49° semaine de l’année 2010 avec l’espoir que la réflexion inspirée par les 6 ans de captivité d’Ingrid en Colombie pourrait influer sur la conclusion des accords de Cancun et qui n’y est pas parvenu.

Rappelez vous c’est en tant que leader de« Oxygene verdo » qu’elle a été enlevée par les Farc. Ce n’est pas du tout extrapoler son livre que de dire qu’il est une promesse d’un changement des attitudes de négociation face au changement climatique.

6 ans ce n’est pas rien. C’est pire que l’exemple des prisonniers français de la 2° guerre mondiale. D’ailleurs leur situation au cours de la 2° guerre mondiale a eu la même valeur symbolique. Les prisonniers de guerre ont été rassemblés par Mitterrand pour faire une puissante association. Et de leur sort est née la première assemblée fondatrice de l’ONU à New York en 1945 (association pour les réfugiés), de la même façon que nous affirmons aujourd’hui que la captivité d’Ingrid est l’image du monde enfermé dans son égoïsme face aux risques du changement climatique.Le monde est aveugle à son avenir comme en prison. Les nations s’entrechoquent pour des broutilles comme Ingrid et ses compagnons qui préfèrent gérer au jour le jour leur soumission à leurs gardes armés plutôt que de s’insurger en un collectif. Il y a trop de différences entre eux, trop de nationalités, trop de circonstances variées à leur propre captivité.Le livre est le récit d’une des rares possibilités d’extériorisation qui existe encore dans ce monde. Par extériorisation, nous voulons désigner la tentation pour des partisans de s’unir dans un parti, dans une armée de façon à conquérir le territoire puis l’État. C’est parce que la lutte des Farcs est extérieure au périmètre contrôlé par l’État colombien qu’Ingrid est prisonnière. Mais ce n’est pas parce qu’elle cesse d’être prisonnière que les problèmes de cette lutte et le malaise que tout le monde connaît dans la société normale cessent d’exister. C’est pourquoi on a affaire à un grand livre, à une tentative de transformer une lutte qui s’exprime par des armes en une possibilité que des êtres humains raisonnablement assis dans une assemblée et dotés de moyens ultra modernes de connexion réussissent à élaborer les termes d’un modus vivendi. En outre sur le plan concret avec les journées de marche exténuantes que les prisonniers doivent subir ce livre est un véritable reportage sur la vie dans la jungle et sur son état. Ingrid qui a défendu les animaux et lutté contre la déforestation est extrêmement sensible à ceux qu’on tue sous ses yeux et aux arbres qu’on abat sans compter afin de traverser les fleuves et de se loger. C’est à propos du meurtre d’un singe qu’elle s’interroge elle-même sur son propre désir de meurtre. Tout prend corps dans ce récit où vous êtes envahi par les insectes comme l’héroïne elle-même, où vous tuez des serpents, où vous vous laissez encercler par des abeilles parce qu’elles vous débarrassent de la boue de la journée.

Un autre critique, M. Naulleau a dit que c’est ce livre qui aurait dû recevoir le prix Goncourt. Oh combien il a raison ! Combien il serait important de savoir dans quelle mesure les idées révolutionnaires, qui ont engendré cette volonté de conquérir un territoire qui échappe à l’État, ont été responsables de l’emprisonnement de Mme. Betancourt et comment ces idées peuvent être à leur tour transformées étant donné la disparition progressive de toute extériorité et la circulation mondiale des idées qu’on voit se manifester à chaque instant dans ce récit. Il y a la radio. Il y a les messages qui sont échangés avec les familles. Il y a des livres qui atteignent tous les combattants de la jungle. Il y a les langues étrangères qui sont parlées apprises et enseignées avec d’ailleurs une encore très belle place pour le Français. Il y a enfin et surtout la drogue et les armes qui sont les deux objets de base de tout le processus de la mondialisation.

Google earth a définitivement changé le monde qui doit désormais discuter de son avenir entre soi.

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