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Philippe Muray ou la réhabilitation de l’intolérance.
2 octobre 2010, par Serge Uleski

Après plus de 2000 pages de lecture de Muray, lecture de ce qui, pour faire court, s’avère être une critique apocalyptique de tout ce qui n’est pas Philippe Muray...

Ou comment cultiver l’art de jeter le bébé avec l’eau du bain et la baignoire avant de dynamiter la salle de bains et la demeure qui l’abrite, dans un... « Après-moi le désert ! » non-assumé faute de pouvoir être consciemment revendiqué comme tel...

Loin de toute tentative d’analyse d’aucune cause...

Misanthrope sympathique, un peu bougon, dans le meilleur des cas, ou bien aversion profonde pour le genre humain, dans le pire, et plus encore quand ce dernier n’a pas pour maître à penser un certain Philippe Muray (il faut toujours accueillir avec prudence les auteurs qui citent Céline à profusion, non pas pour son style mais bien pour ce qu’ils croient être sa "pensée")...

Ce qui fait de Philippe Muray ce qu’il est, ce ne sont pas tant ses choix politiques que le refus (ou bien l’incapacité) de comprendre la nécessité historique de ce monde dit "moderne" : tout ce qui nous y a conduit et continuera de nous y conduire ; même si l’on peut avoir de bonnes raisons de refuser, en totalité ou en partie, d’adhérer à cette "modernité"…
Mais… vous remarquerez que l’on peut toujours en concevoir une autre !
Un Muray incapable donc de proposer un avenir quel qu’il soit. En panne Muray ! D’où sa frustration, son acharnement sur le présent et la violence de ses positions.

Et ceux qui, aujourd’hui, se réclament de cet auteur sont très certainement tout aussi en panne d’avenir que lui ; individus dont le tempérament – et ça existe : la preuve ! -, leur a fait très tôt prendre conscience qu’ils étaient nés tout simplement trop tard dans un monde décidément beaucoup trop jeune pour eux.

D’où leur prédilection pour la thématique "Fin de l’Histoire" ; et sans doute était-il là question, tel un effet boomerang imprévu et insoupçonnable en eux, de leur propre fin à tous.

Non ! Ce qui fait de Muray ce qu’il est en tant qu’auteur (et non en tant qu’intellectuel car, il n’y a pas de « pensée Muray » mais bien plutôt des idées, des opinions « à la Muray »), c’est le caractère exclusivement a-politique ou anti-politique de ses choix, et ce à chaque fois qu’il est question de l’organisation de notre existence en société (pour ce qui est de la politique, se reporter à la définition d’Arendt) ; caractère qui nous renvoie à l’Ancien Régime, sinon au moyen-âge (oui ! sans rire) ; ou bien, plus proche de nous, à la "Révolution Nationale" d’un certain Pétain (à chacun ses casseroles !).

La plus grosse erreur [1] de Muray aura été de s’être laissé abuser et vampiriser tel Frankenstein, par sa propre création… Homos Festivus, jusqu’à penser qu’il s’agissait là d’un vrai projet de société et qu’il y avait, par conséquent, péril en la demeure ; projet durable qui recueillerait l’assentiment et le soutien sinon de la quasi-totalité, du moins, d’une importante majorité des électeurs… électeurs ou pas, notre auteur, et parce que cela l’arrangeait, feignant d’ignorer que l’Homme sera toujours plus que ce qu’il croit savoir sur lui-même qui n’est - le plus souvent -, que ce que l’on a daigné lui enseigner ou bien, ce qu’on lui a laissé espérer... pour lui-même.

Quant à Delanoë, Maire de Paris, sa cour, son électorat bobos et son influence supposée, fallait-il vraiment y consacrer autant d’années et autant de pages quand on sait que tout ce beau petit monde représente tout au plus que quelques centaines de milliers d’individus confinés, parqués dans une capitale qui ne nous appartient plus – Chirac n’ayant eu besoin de personne pour inaugurer cette dépossession.

Qui peut aujourd’hui douter du fait que si Muray avait été « au pouvoir », ses ennemis idéologiques n’auraient jamais pu bénéficier de la liberté d’expression et de publication qui fut la sienne ?!

Homme d’obsessions – la principale étant la sexualité, et plus particulièrement celle des autres… à la sexualité tout autre), on notera chez Muray l’absente de compréhension et de compassion à l’endroit de quiconque ne partage pas ses choix d’existence…

Car, le principal moteur de cet esprit hautement critique (critique plus que nécessaire, on en conviendra car, quiconque aujourd’hui n’est pas en colère est soit un salaud, soit un imbécile soit un escroc) aura été son intolérance congénitale jusqu’à l’aveuglement, telle une infirmité...
Intolérance qui a très tôt, et très certainement, décidé de tout. Et seule la mort a été capable de l’en délivrer.

Aussi…

Si l’on doit comprendre pourquoi Muray a fait cette oeuvre-là et pas une autre, reste à étudier, l’origine de cette intolérance (haine ?!) auquelle il a consacré toute son énergie créatrice, tout son talent et toute son intelligence aussi incontestables que rares.

Intolérance jamais assouvie de son vivant parce que… jamais rassasiée.
Ironie suprême... bien que relative car... souvent constatée - et les exemples ne manquent pas : cet auteur s’est voulu l’avocat de l’altérité et de la différence contre l’uniformité du monde alors que tout dans son œuvre laisse à penser que Muray avait beaucoup, mais vraiment beaucoup de mal avec tout ce qui n’était pas... lui-même Philippe Muray.


[1Erreur qui trahit une méconnaissance profonde des conditions de vie des classes populaires et des petites-classes moyennes de la banlieue parisienne et de la province.

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