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L’Ecologie pour les nuls

Franck Courchamp

5 mai 2010, par Celine Mangin

C’est bien connu : lorsque nous refermons l’un de ces ouvrages destinés "aux nuls", notre bagage culturel s’est considérablement épaissi, et notre moral est sérieusement mis à mal, car l’inévitable et angoissante question nous taraude l’esprit "Dites, rassurez-moi, le titre de la collection est emprunt d’ironie, non ?" Parce que ces œuvres sont loin de se cantonner au B-A-BA des notions qu’elles abordent.

L’écologie pour les nuls ne déroge pas à la règle : enrichissant, complet, profond : le monde de l’écologie et de l’écologisme n’est pas superficiellement survolé. Il n’est pas juste perçu à travers des yeux de militant, d’accusateur, de donneur de leçons ou d’individu s’improvisant sportif d’un jour pour surfer sur la tendance actuelle.

L’auteur part des fondements pour expliquer, illustrer, éveiller des consciences au moyen de la connaissance, et non de l’incrimination. La saisissante, complexe et méconnue interaction entre les diverses espèces de l’écosystème est racontée d’un ton empli d’humour, et non de dramatisation outrancière.

Nous croisons sur un chemin foisonnant de schémas la grande noctule, chauve-souris capable de tuer des oiseaux en plein vol, des dendrobates – grenouilles toxiques –, des labres nettoyeurs (bonnes âmes du monde marin), des pigeons de Nouvelle-Guinée, des parasitoïdes (oui, je vous l’accorde, le nom même est effrayant)... Tous représentent un exemple unique d’évolution leur permettant de survivre un temps dans un milieu où ils sont bien souvent à la fois victimes et bourreaux. Chacun avec leur technique, plus ou moins avouable : coopération, compétition, mimétisme... ou chapardage (le coucou est la véritable "bête noire" des passereaux, leur subtilisant leurs œufs pour introduire dans leur nid l’un des leurs !).

Le constat est indéniable : chaque maillon est important, voire essentiel car rattaché à d’autres de multiples manières. Et la biodiversité fait la stabilité de l’écosystème. Or cédons un instant la parole à l’auteur :

"Le prix Nobel Paul Crutzen a récemment proposé une nouvelle dénomination pour caractériser une ère géologique qui aurait débuté il y a deux siècles : l’anthropocène, ou ère de l’être humain. Cette période est en effet caractérisée par une modification drastique des composantes de la biosphère, ainsi que la sixième extinction de masse de l’histoire de notre planète."

A méditer. le dodo a disparu de l’île Maurice, entraînant dans l’abîme une vingtaine de plantes. Et la "liste rouge" établie par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature est effarante : sur 40000 espèces analysées, 40 % seraient en voie d’extinction. 785 aujourd’hui définitivement perdues. 65 seulement survivent en captivité. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Et nous sommes invités à nous poser certaines questions comme celle-ci : les spécimens moins fascinants à nos yeux, moins “mignons” ou ”charismatiques”, méritent-ils pour autant notre désintérêt ?

L’ouvrage se place également en faux contre quelques "écosceptiques", pointe du doigt les a priori erronés (et si, le feu a aussi des vertus bénéfiques : le Séquoia, par exemple, en a besoin pour disperser ses graines) ou énumère les gestes utiles. Bref, il se fait refuge des paroles d’un spécialiste qui maîtrise son sujet et sait le rendre abordable.

Bien entendu, les termes et définitions scientifiques sont incontournables, et quelquefois insondables pour qui ne baigne pas régulièrement dans la sphère écologique. Néanmoins, de façon délicieusement surprenante, des références originales, telle la Reine Rouge d’Alice au pays des merveilles, surgissent à quelques endroits, et ramènent ainsi par le biais de l’humour les brebis qui se seraient égarées dans les méandres d’obscurs termes scientifiques.

Or malheureusement, il ne s’agit en rien d’un conte. La sonnette d’alarme est tirée. Mais d’une main douce, non virulente. Et à l’heure où un nouveau désastre pétrolier est sur le point d’occasionner des dommages sans commune mesure, l’écologie pour les nuls nous ouvre les yeux sur les risques encourus par l’ensemble de notre système, car un petit grain de sable a bel et bien la capacité d’enrayer la planète...

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