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Mais où se cachent-elles ?
15 avril 2003, par Sandrine Erdely-Sayo

Si les valeurs morales disparaissent, ce n’est pas parce que les gens n’en veulent plus, mais parce qu’ils en veulent d’autres. Allez savoir pourquoi ! Surtout quand on sait que de bonnes valeurs mènent au succès !

Si le choix des valeurs veut être configuré à la carte, selon les impulsions des êtres, il faudra renverser l’expression : « De l’état singe à l’être humain » par « De l’être humain à l’état singe ».

La liberté d’agir n’aura plus besoin de la pensée critique. C’est pourtant cette pensée critique qui amène l’être à atteindre le meilleur de lui-même et à se rapprocher le plus possible de la perfection. Pourquoi se contenter seulement de notre cerveau reptilien et de notre cerveau limbique, quand, au cours de l’évolution, l’homme s’est développé avec une troisième structure ? C’est ce cerveau rationnel qui permet l’élaboration des pensées et le choix de stratégies. Mais comme de nos jours, penser devient un luxe anormal, cela pose problème. La réflexion devient rare et ce manque de pensée crée des êtres humains déshumanisés en déficience de feed-back et en carence rétroactive.

L’âme serait-elle en train de s’éteindre face aux progrès de la technologie ? Serait-ce la déshumanisation de l’homme par les progrès du nouveau siècle ou la transformation de l’être humain en être post-humain ?

La vie se prolonge et l’endurance physique par l’action de produits chimiques provoque de nouveaux conflits et de nouveaux problèmes moraux et médicaux. Viendra le jour où l’homme ne pourra plus rien faire de lui-même. Et nous, pauvres artistes, nous n’avons pas fini de souffrir !

Quand on s’aperçoit qu’une sculpture en marbre a quelquefois une âme plus réelle qu’un être vivant, cela devrait nous amener à réfléchir !

Entre la génétique et les produits chimiques nous arriverons à convertir une personnalité flegmatique en personnalité énergique. Nous ferons commande de personnalités malléables au profil génétique désiré. Et cette âme que l’on oublie ! Cette âme qui fait pleurer ! Cette âme aux vertus émotives, aux exigences de l’esprit ! Cette âme aux saveurs des émotions que l’imagination transporte ! Imagination ingénieuse, inspiration précieuse et douce qui donne à l’âme des teintes spirituelles, lumineuses, mystérieuses, joyeuses, troublantes. Où est-elle ? Elle se cache avec les bonnes valeurs, avec le cœur, avec l’esprit.

Les principes de vie et de pensées ne sont plus basés sur des points de vue moraux, sociaux ou esthétiques, mais sur des fondements où la conscience n’a plus le respect du devoir. Elle ne veut que le pouvoir et un pouvoir démesuré.

La perversion de l’esprit modifie la valeur des actes ou des pensées, altère la raison et prive tout être de déduction logique. Comme l’objectivité n’est autre qu’une subjectivité en sens contraire, l’exactitude d’un esprit vicieux, atrophié ou perturbé sera très loin d’être impartiale. L’homme aura des difficultés à juger la valeur de ses actes ou n’aura pas la capacité de se poser des questions sur lui-même et de reconnaître sa perversité et son mauvais goût. Cela le conduira à un certain isolement social, familial, à son propre isolement et également à la destruction de sa conscience.

Nous pourrions arriver à la triste conclusion qu’entre l’humanité et l’animalité, il existe une différence infime et que cette troisième structure cérébrale n’est pas toujours utilisée et cultivée par l’homme. Cela est bien regrettable !

La personnalité humaine reflète la pensée et son inconscient. Les qualités morales d’une personne sont perçues très vite par des âmes sensibles, raffinées et intelligentes. Son comportement humain, ses gestes instinctifs, son intonation aux accents variés, son regard franc ou sournois, ses goûts délicats ou vulgaires, ses mots et ses silences indiquent des caractères précis sur sa nature, son tempérament, sa probité, sa sincérité et sa moralité, ses facultés de penser et de raisonner.

Les qualités vertueuses de la raison sont oubliées pour des désirs personnels et une gratification immédiate. Les personnalités dépendantes, détruisant leur esprit par la drogue, l’alcool, la pornographie et l’indécence, chez lesquelles l’égoïsme et la jalousie sont prédominants par nature, s’écrieront sans vergogne : « Mais je ne fais de mal à personne !... » Si elles savaient seulement que leurs pensées et leurs actions dissimulées sont dévoilées par leur personnage, qu’elles blessent et quelquefois détruisent l’entourage !

Comme disait Vladimir Jankélévitch dans son livre Le Paradoxe de la Morale, « La valeur est l’espace de la transparence et de la communion. »

Nous sommes bien loin de l’espace de la transparence et de la communion quand les valeurs s’égarent, et se perdent dans des esprits pervers et corrompus. Les ombres embrument trop souvent l’éclat et la clarté de la raison.

Espérons que nous arriverons un jour à convertir ces esprits en décrépitude, en décadence et en détérioration constante en des esprits où la droiture, la détermination et la décision de leurs actions auront une tonalité morale et sage. Dans ces cas-là, nous pourrons observer un échange honnête entre les hommes et nous pourrons aussi affirmer que les valeurs sont revenues et ne se cachent plus !

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Sandrine ERDELY-SAYO est pianiste, concertiste. Elle réside à Philadelphie, aux Etats-Unis où elle a été reconnue comme Intérêt National pour le Pays Américain. Lauréate de plusieurs concours internationaux en France, en Italie et aux Etats-Unis, elle reste, à treize ans, la plus jeune récipiendaire du Prix du Ministre de la Culture Français. Elle joue dans le monde entier en tant que soliste, en musique de chambre et avec orchestre. Après ses études au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris et à l’Université des Arts de Philadelphie, Sandrine se consacre aux concerts, à l’enseignement, à la lecture et à l’écriture. Sa pensée philosophique s’accorde à son jeu pianistique et à sa pensée musicale. Elle a enregistré l’intégrale de l’œuvre pour piano de Primitivo Lazaro et prépare pour l’automne prochain un disque de musique française avec au programme des œuvres de Franck, Debussy, Ravel, Manen, Fauré et Poulenc.

Messages

  • Merci Sandrine
    Votre article a une âme !
    Le problème des humains actuellement est que dans leur vie en société, ils s’organisent en groupes appelées "personnes morales" qui n’ont pas d’âme et qui ne parlent qu’au nom d’intérêts communs matériels ou moraux.
    Cette notion d’intérêt réduit l’être humain à son état animal d’égoisme et d’agressivité.
    Les grandes civilisations humaines qui ont laissé leur trace dans le temps ont par contre été organisées autour d’un devoir et non pas d’un intérêt ; même si ce devoir résulte d’une fausse conception du monde.
    Merci d’avoir écrit cet article.
    Raed Marrakchi

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