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Les autres Madoff...
5 janvier 2009, par Philippe Nadouce

"Quel nom donner au fait d’offrir sans contrainte à un travailleur qui ne gagne que 10.000 Euros par an, une hypothèque qu’il ne commencera à payer que deux ans plus tard pour lui permettre d’acheter une maison d’une valeur de 550.000 Euros ?, pour ensuite l‘inclure avec cent autres hypothèques de même nature dans des bonds vendus aux banques et à des fonds de pensions appartenant à des particuliers ? C’est ce que faisait notre système financier."

Le cas Madoff et ses 50 milliards de dollars de fraude ont-ils balayé nos derniers doutes sur la nature du pouvoir détenu par les « Maîtres du monde » ?

Les Golden boys de Wall Street, de la City et de Hong-Kong, les cerveaux de la finance, les petits génies du « banking » à qui les institutions financières les plus prestigieuses offraient des premiers salaires de 60.000 $ par an et la promesse de bonus faramineux, nos ministres des finances qui ne juraient que par eux, ces alchimistes des temps modernes qui transformaient en or tout ce qu’ils touchaient et promettaient l’opulence à tous les convertis, se révèlent être aujourd’hui de simples escrocs qui, loin d’utiliser des formules miracles, faisaient du plus vieux métier du monde, l’abus de confiance, la base de leur système.

Les experts se cassaient la tête en ce début de semaine de Noël 2008 pour comprendre comment cela avait pu arriver. Encore une fois, les mieux formés pour anticiper nos malheurs s’étaient couverts de ridicule en apprenant par la presse qu’un empire s’était évaporé en une nuit !

Et quel empire ! « Bernard L. Madoff Investment Securities LLC », étaient une des superstars de la sphère financière globale. Ses patrons se targuaient d’avoir payé des bénéfices supérieurs à 8% par an pendant 72 mois consécutifs. Un record !

Son fondateur et PDG, Bernard Madoff, élevé au rang de gourou, pouvait se permettre de refuser les investisseurs les plus fortunés de la planète . Madoff avait gagné ses lettres de noblesse à la tête du Nasdaq au début des années 90, le marché électronique des actions aux Etats-Unis. Il tenait depuis le haut du pavé de la finance après avoir eu la brillante idée de mettre les nouvelles technologies au service des places financières. Les hommes d’affaires les plus méfiants, les institutions les plus pointilleuses lui avaient confié des sommes colossales. Bernard Madoff avait « la réputation de représenter l’essence de Wall Street ».

Devant le nombre d’institutions de contrôle et de régulation bluffées par notre homme, devant l’incapacité de ses pairs, et des sociétés d’audit à déceler la moindre irrégularité dans ses comptes, on est en droit de rejeter en bloc les concepts qui se nichent derrière la phrase, « Et pourtant, il a réussi à tromper tout le monde », que l’on a pu lire sur les manchettes des journaux les plus respectables du monde capitalistes.

Il semblerait que des questions d’un tout autre intérêt nous viendraient à l’esprit en avançant l’improbable : « Bernard Madoff n’a trompé personne. »

La première d’entre elles est posée par Thomas L. Friedman, journaliste au New York Times dans sa colonne du 20 décembre 2008 : « Jusqu’où va la corruption des Etats-Unis ? ».

Et la première question posée, d’autres montent inévitablement au créneau. Celle-ci par exemple : « Comment est-il possible que des firmes comme Bear Stearns, Lehman Brothers, Northern Rock, Fanny, Freddy et AIG ne soient pas du tout ce qu’elles disaient être ? »

Pour répondre à cette question, il nous faut remonter l’histoire jusqu’en 1919, à l’époque où M. Carlos Ponzi (1882-1949), un immigré italien, ruina 20.000 personnes aux Etats-Unis et empocha la coquette somme de 9 millions de dollars. Son procédé était simple et pris bientôt son nom : « la pyramide Ponzi ». Il s’agissait de promettre à des investisseurs ou des particuliers fortunés le double des sommes qu’ils avaient prêtées et ceci en moins de trois mois ! Ces retours faramineux étaient payés par l’argent de milliers de nouveaux clients à qui Ponzi avait promis la même chose mais qui hélas, n’eurent pas la chance des premiers prêteurs qui surent se retirer à temps et qui eux firent des très bonnes affaires. Les derniers arrivés perdirent la totalité des sommes qu’ils avaient investies.

C’est à peu de chose prêt le procédé que Bernard Madoff, l’homme qui incarnait l’essence de Wall Street, utilisa pour sa propre pyramide qui, de par ses proportions gigantesques, 50 milliards de dollars, rappelons-le, devrait être sous peu rebaptisée « pyramide Madoff ».

Afin d’étayer son raisonnement sur la pourriture des fondements de l’économie américaine, Thomas Friedman, journaliste du New York Times, nous fait part d’une certitude. Le plan Ponzi de l’illusionniste Madoff semble être l’infime partie d’un plan du même nom mais tout à fait légal celui-ci, mis en œuvre par Wall Street et soutenu par les administrations Clinton et Bush père et fils.

Un plan « alimenté par des crédits bon marché, des principes moraux discutables et beaucoup d’avarice ». Friedman continue : « En effet, quel nom donner au fait d’offrir sans contrainte à un travailleur qui ne gagne que 10.000 Euros par an, une hypothèque qu’il ne commencera à payer que deux ans plus tard pour lui permettre d’acheter une maison d’une valeur de 550.000 Euros ?, pour ensuite l‘inclure avec cent autres hypothèques de même nature dans des bonds vendus aux banques et à des fonds de pensions appartenant à des particuliers ? C’est ce que faisait notre système financier. Si ce n’est une pyramide Ponzi, qu’est-ce que c’est ? ».

Le raisonnement est imparable et ouvre une nouvelle brèche dans la coque déjà très endommagée du « laisser-faire » que personne ou presque ne remettait en question il y a encore un an. Depuis, la quasi-totalité de l’industrie financière anglo-saxonne, a été nationalisée.
La tempête fait rage et chaque nouvelle vague de nationalisation -l’industrie automobile américaine semble être la prochaine sur la liste ; General Motors, qui l’eut cru !-, nous donne de plus en plus de mal à distinguer nos économies de celles de pays communistes comme la Chine.

Les experts – encore eux- nous disent maintenant que la crise sera beaucoup plus dure en 2009. Après la banque, la finance, la construction, et l’automobile, quel sera le prochain secteur à tomber dans l’escarcelle du contribuable ? Et combien de pyramides Ponzi nos escrocs de la finance vont-ils sortir de leur manche ?

Combien de temps encore avant que l’on ose se dire que le capitalisme moderne de Thatcher, Reagan, Blair, Bush et compagnie à rendu l’âme ? Et surtout, qui aura le courage de nommer ce qui va succéder au néolibéralisme ?

Madrid, le 29 décembre 2008

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