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L’Année de l’Algérie en France, les mamelouks et « La montagne de Baya »
18 mars 2003, par Soleiman Adel Guémar

Qui ne dit mot consent. A priori, cet adage est applicable dans ce cas précis relatif à l’absence de réaction apparemment énigmatique à quelques articles récents de certains titres de la presse nationale (El-Watan du 9 Février 2003, entre autres) mettant exclusivement sur le compte des généraux-majors Mohamed Médienne (dit Toufik) et son adjoint, Smain Lamari, respectivement chef du Département de renseignement et de sécurité (DRS) et chef de la « Direction » du contre-espionnage (DCE), l’unique responsabilité de tout ce qui s’est passé en Algérie durant ces treize dernières années.

(A noter, au passage, un paradoxe rapporté sans sourciller par la plupart des écrits de presse concernant les appellations de ces structures de sécurité, à savoir que la DCE étant sous l’autorité du DRS, cela équivaut à dire qu’une direction relève d’un département... Ce qui est formellement illogique. Cette coquille fait-elle partie de l’organigramme de l’ANP ?).

Est-il vrai que le D.R.S. et ses ramifications ont controlé pendant tout ce temps (et bien avant, d’ailleurs, en tant que SM, DGPS, etc..) tout ce qui s’est passé dans le pays par le biais de leurs agents des bureaux de surveillance et de prévention (B.S.P.) et autres ? Cette interrogation relève évidemment du surréalisme. C’est une Lapalissade que de dire que la sécurité militaire a eu de 1962 à nos jours, l’œil et la main partout.

Deux exemples parmi tant d’autres :

Collaborateur pendant une période assez brève à l’hebdomadaire gouvernemental « Parcours Maghrébins », alors que j’étais dans le bureau du rédacteur en chef (par intérim), un jour d’été 1991 , ce dernier me montra un télégramme qu’il venait de recevoir lui ordonnant manu militari de ne plus jamais remettre en cause l’existence de ces B.S.P. Il avait eu l’audace de laisser passer un petit papier dans ce sens et il venait d’être rappelé à l’ordre.

L’autre exemple concerne le cas tragique de feu Azzeddine Meddour, grand cinéaste algérien, mort à la fleur de l’age, avec qui j’ai eu l’honneur et le plaisir de discuter une seule fois dans ma vie, à la fin de la première projection de son film « La montagne de Baya » à la cinémathèque d’Alger. Au bout d’une demi-heure, nous avions tellement sympathisé que nous nous sommes promis de nous revoir. Mais le destin et la bêtise humaine ont fait que je devrais attendre l’au-delà pour le rencontrer de nouveau.

Je connaissais, en fait, Azzeddine Meddour de nom et de réputation bien avant de le voir en chair et en os. Je savais qu’il avait perdu beaucoup de ses collègues et amis, morts suite à une explosion survenue pendant le tournage de « La montagne de Baya » en Kabylie. Je savais que, par la force des choses, il avait arrêté de tourner son film avant de le reprendre avec courage, en hommage à ses amis disparus. Et j’ai fini par savoir que le directeur général de l’Entreprise nationale de production audiovisuelle (ENPA) - juste avant sa dissolution…- qui venait d’être nommé à la place de l’ancien DG (relevé brutalement de ses fonctions pour avoir collaboré avec Azzeddine Meddour) et qui recevait ses ordres du directeur de la communication audiovisuelle du ministère de la communication et de la culture l’avait officiellement empêcher de terminer le traitement technique de son film à l’étranger, sous prétexte que ladite ENPA et l’Entreprise nationale de télévision (ENTV) détenaient 60% des droits du film... Les autres 40% étant détenues par une société cinématographique privée de droit français. Azzeddine Meddour voulait absolument que le film « La montagne de Baya » soit prêt pour représenter l’Algérie au festival de Venise, mais l’ENPA persistait à lui trouver les prétextes les plus absurdes pour l’en empêcher. Il s’est avéré par la suite que l’ASP (assistant pour la prévention et la sécurité) en poste dans cette entreprise et dépendant du DRS avait eu un role déterminant dans cette triste affaire en jouant à l’espion de bas étage au service des clans les plus régionalistes et les plus rétrogrades du régime qui voulaient absolument empêcher la sortie du film « La montagne de Baya »…

Après une lutte acharnée et une médiatisation salvatrice de son drame, Azzeddine Meddour finit par avoir une copie de son film. Mais il est mort peu de temps après, victime de la bêtise, de la médiocrité et de l’hypocrisie qui ne cessent d’ailleurs de s’ériger en tutrices de tout un peuple.

La question qui se pose aujourd’hui est de savoir pourquoi est-il permis à quelques journalistes appartenant à des quotidiens nationaux renommés de briser un tabou qui était, hier encore, aussi dangereux que la pire des calamités ?

La dernière déclaration du Chef d’état-major de l’ANP, supérieur hiérarchique de Mohamed Médienne et de Smaïn Lamari, dans laquelle il affirme que l’ANP, c’est-à-dire le DRS, n’interviendra pas lors des prochaines élections présidentielles, renvoie certainement, « Année de l’Algérie en France » aidant, au « relookage » que veut s’imposer le régime par rapport aux normes internationales tolérées après plus d’une décennie de gestion chaotique, ainsi qu’à des luttes de clans acharnées, résumées d’ailleurs un peu trop facilement par une bataille rangée entre le club des généraux actuellement en lice et le clan Bouteflika pour raison idéologique ou autre invention du genre. Cette guéguerre existe bien entendu et est perceptible à tous. Centrifuge, elle se déroule, en vérité, entre les éléments d’un même régime. Car à bien y réfléchir, quelle différence fondamentale existe entre tous ces clans ? Est-ce un affrontement entre les tenants d’une dictature et les chantres de la démocratie ? Il est évident que non. Le gâteau Algérie est encore si immense que tous les appétits sont aiguisés et que personne parmi la nomenklatura ne veut être dépossédé de sa grosse part et celle de sa smala, au moins pour les cent ans à venir... Il n’est pas question non plus d’accepter d’être le bouc émissaire d’une réconciliation entre toutes les franges du régime et de son blanchiment minimum aux yeux de l’opinion internationale.

Que certains articles de presse désignent, à juste titre d’ailleurs, les chefs du DRS en dénonçant leur énorme pouvoir échappant à tout contrôle publique, cela ne peut résumer, cependant, une nature aussi biaisée que celle du pouvoir algérien. C’est comme si on accusait Kasdi Merbah, Yazid Zerhouni et autres patrons de l’ex-SM d’avoir joué de leurs grandes prérogatives pour forcer Boumédienne , Bouteflika et le « Conseil de la révolution » à laisser l’armée française continuer ses essais chimiques et bactériologiques en Algérie jusqu’en 1979…

La confiscation des libertés fondamentales dès 1962, l’assassinat des opposants politiques, la répression barbare de 1980 en Kabylie entre autres événements tragiques, jusqu’à l’infâme provocation sanguinaire des événements du « Printemps noir » (depuis avril 2001), démontrent que toutes les composantes essentielles du régime, toutes périodes confondues, sont d’accord sur l’essentiel et ont toujours été fondamentalement motivées par la passion malsaine du pouvoir absolu et par la volonté d’accaparement sans partage de l’Algérie.

Vision moyenâgeuse digne de l’époque des mamelouks qui, de toutes façons, est condamnée à disparaître plus tôt que certains ne le pensent.

- Soleiman Adel Guémar - Site

(18 mars 2003)

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