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Retour au pouvoir du mouvement fasciste européen
3 février 2007, par Philippe Nadouce

Il faut suivre les déclarations des différents partis de droite en France pour comprendre que M. Le Pen sera sous peu un homme respectable.

La droite française peut se glorifier d’avoir subtilisé de nombreux électeurs au FN, -et par la même de l’avoir affaibli- il n’en reste pas moins que les idées employées pour y parvenir n’ont rien perdu de leurs sens tragique et donnent à M. Le Pen une publicité à moindre frais dont il ne se plaint pas. Au centre et à gauche une grande partie de la société civile ne sait plus quoi penser : le raz-de-marée FN aux élections présidentielles de 2007 est inévitable et les mesures à prendre dans un tel cas de figure ne semblent pas être à l’ordre du jour dans les comités de campagnes des grands partis.

Les mutations politiques tant attendues chez les socialistes risqueraient d’être beaucoup moins surprenantes que celles qui bouleverseront la droite française -obligée de s’allier en masse à l’extrême droite- et le printemps 2007 pourrait voir l’éclosion d’une atmosphère d’instabilité politique et sociale comme on en voyait plus depuis la fin des années soixante.

L’intolérance, un marché porteur...

Quant aux quelques dix millions d’électeurs qui lors des dernières élections présidentielles choisirent le parti de la haine, ils attendent patiemment le jour du prochain vote et restent plus confiants que jamais : on ne muselle pas indéfiniment une si grande partie d’un électorat sans s’attendre, en contre partie, à de sérieuses conséquences. L’une des plus logiques serait de voir enfin le Front National accéder à un pouvoir qui dépassât les limites « municipales » voire, parfois, régionales qu’on lui a connues [1].

Et si la présence massive du FN dans les institutions de la cinquième république était cette fois bien réelle ? M. Sarkozy et les ténors de la droite devraient-ils être accusés « d’apprentis sorciers » ? Bon nombre de leurs idées sur l’immigration, la sécurité, la religion, les libertés et le chômage, jugées « extrêmes » il y a encore dix ans par l’ensemble de la classe politique, semblent aujourd’hui ne plus effrayer personne.

Le contenu parfois choquant des programmes électoraux a dépassé les frontières hexagonales et fait chorus, au sein de l’union européenne, avec le discours de mouvances néofascistes politiquement organisées et officiellement reconnues. Comme le fait remarquer l’économiste hongroise Yudit Kiss [2], la société civile et démocratique avait su jusqu’à présent se mobiliser en France, en Autriche, en Hollande, en Italie [3], etc. , contre l’émergence de partis néofascistes et xénophobes mais depuis le rattachement des nations de l’ex Union Soviétique au marché commun, (par exemple, la Pologne et la République Tchèque), la présence de politiciens fascistes dans leurs gouvernements ou leurs parlements « a été acceptée avec une apathie tintée d’incrédulité ». Et ce gigantesque mouvement de banalisation des idéaux extrémistes vient de trouver son parangon en ce début 2007.

« Identité, Tradition, Souveraineté »

En effet, ce sont les strucutures démocratiques de l’Union européenne et son mode de scrutin proportionnel qui va donner au FN, par exemple, -c’est aussi le cas pour de nombreuses formations d’extrêmes droites d’autres pays membres- une représentation parlementaire bien supérieure à celle dont elle jouit actuellement en France.
Pour en revenir aux dix millions d’électeurs nommés plus haut, on comprend mieux maintenant leur foi en l’avenir ; d’une façon ou d’une autre, que cela se passe au niveau national ou européen, les lepénistes français vont enfin accéder au pouvoir !

Grâce à l’accueil de la Bulgarie et de la Roumanie au sein de l’UE en ce début d’année 2007, l’extrême droite vient de former son propre groupe au Parlement européen ; Identité, Tradition, Souveraineté [4]. La formation, présidée par le négationniste Bruno Gollnisch nommé, bien sûr, par M. Le Pen, a été signée par 20 députés néofascistes amalgamant des représentants du Grand Parti Roumain (Partidul Romania Mare), dirigé par M. Corneliu Vadim Tudor [5] qui défraie régulièrement la chronique par ses déclarations racistes et sa haine des Roms [6], de l’Ataka, le parti bulgare avec son homme fort, M. Dimitar Stoyanov [7] qui s’est distingué lui aussi par ses commentaires d’un autre âge sur le prix et les formes des femmes gitanes [8], du parti hongrois Vie et Justice, du parti, Alternativa Sociale, Fiamme Tricolore de l’incombustible Alessandra Mussolini (« fière d’être fasciste » ) [9], du représentant du mouvement fasciste Anglais (Ukip), M. Ashkey Mote, du parti flamant nationaliste (Vlaams Belang) et de son homme fort, M. Frank Vanhecke, du Parti Autrichien pour la Liberté (Freiheitliche Partei Österreichs), la formation d’extrême droite de l’autrichien Jorg Haider, représentée à Strasbourg par son bras droit, M. Andreas Mölzer, etc.

Une plateforme xénophobe

Quelles vont être, dans un premier temps, les conséquences de l’arrivée d’un tel groupe au sein du parlement européen ? La première de toutes est qu’il va profiter - au même titre que tous les autres partis démocratiques- d’une aide financière assez généreuse de l’Assemblée européenne [10]. La seconde est que cette coalition va disposer d’une influence politique et d’un temps de parole accrus. La troisième, qui découle tout naturellement des deux premières, est la mise à sa disposition d’une véritable plateforme médiatique ouverte sur le monde d’où, n’en doutons point, ses déclarations excessives et intolérantes provoqueront une attention disproportionnée des médias internationaux [11]. A terme, ITS aura la capacité de proposer et d’appuyer des amendements et d’obtenir des places au seins de différents comités parlementaires.

« Ils sont tous nos amis ! »

C’est ce que M. Le Pen déclarait de ses nouveaux partenaires européens lors d’un meeting du Front National, à Strasbourg, en 2005. Il ajouta avec sarcasme : « Ils se détestent tous mais ils sont nos amis » [12].
Il ne faisait que répondre aux analyses déclarant que de profondes divergences idéologiques ne tarderaient pas à provoquer l’effondrement du bloc. ITS est maintenant une réalité financée par les institutions européennes et bien que les tensions persistent, rien n’augure une rupture dans les mois qui viennent.

Bien que l’idée de partis xénophobes et nationalistes s’unissant dans une structure supra nationale soit une absurdité, elle est aujourd’hui une réalité. Sa longévité même et sa vivacité devraient nous plonger dans une profonde réflexion sur les paradoxes qui façonnent notre époque en mutation.

Les conflits meurtriers du XXe siècle nous ont enseigné que lorsque l’absurdité et l’irrationnel prennent une part prépondérante dans les rapports politiques et sociaux, une vague de pulsions destructrices est à craindre. Il ne reste à espérer que cette fois-ci il en sera autrement et qu’une menace plus grande encore, la rapide détérioration de notre environnement, forcera les peuples à s’unir dans un projet commun.

Londres, le 2 février 2007.


[1Toulon, Orange et Marignane, gagnées avec un tiers des voix à la faveur d’une triangulaire le 18 juin 1995, et Vitrolles, conquise à la majorité absolue le 9 février 1997 (La liste FN l’a emporté avec 52,04% des voix). Sources : Monde Diplomatique. Mars 1998

[2Some years ago, when Le Pen threatened to become the president of France, French society mobilised itself to stop him. When Haider’s party entered the Austrian government, half of Austrian society protested vehemently. Even at the recent municipal elections in Belgium, the advance of the Vlaams Belang was halted by the awakening of civil society and the emergence of liberal-left coalitions. But when the Poles and Slovaks voted extreme-right, racist parties into their parliaments, it was accepted with apathy tinged with incredulity”. In The Guardian online - 15 janvier 2007

[3Les partis de M. Jörg Haider en Autriche, de M. Gianfranco Fini en Italie, de M. Filip Dewinter en Flandre, de M. Christoph Blocher en Suisse, de M. Pim Fortuyn en Hollande et le Danish People’s Party (arrivé au parlement danois en 2001), se veulent avec M. Le Pen et le Front National, les architectes d’une « nouvelle Europe ».

[4Identity, Tradition, Sovereignty (ITS). Ce parti déclare représenter 23 millions de citoyens européens

[5Le 15 janvier 2007, il a notamment attaqué l’establishment juif et accusé les Roms de prostituer leur enfants dès l’âge de 12 douze ans.

[6Un des trois grands groupes tsiganes

[7Agé de 23 ans. Il est le plus jeune député de l’Assemblée européenne.

[8Lire The Guardian du 29 janvier 2007, l’article intitulé : “Xenophobes, not workers, are uniting across Europe”).

[9Petite-fille du dictateur italien.

[10Un million d’Euros par exercice.

[11M. Gollnisch a declaré au parlement que ITS « parlera au nom de 23 millions d’Européens qui sans nous ne seraient représentés nulle part ».

[12Lire l’article de John Lichfield : “Strong EU needed in fights against xenophobes”, in The Observer. 16 janvier 2007.

Messages

  • Un grand merci pour votre article
    Le mouvement dont vous parlez rentre dans le cadre de la nouvelle méthode de gouvernance du monde décidée par le capital qui a fait l’objet d’une caricature dans mon article "Adam Roi de la Terre" dans ce site et qui consiste à promouvoir et développer les différences ethniques, religieuses et linguistiques en se basant sur des actions combinées d’organisations terroristes et de services de sécurité.
    Dans ce contexte le projet Européen est saboté et vidé de son contenu économique et social par la promotion des mouvements fascistes ; il n’en reste que la politique étrangère pro-sioniste.
    Le projet qui remplacerait l’Europe serait l’union méditerranéenne basée sur le Judéo-Cristianisme sioniste et le Sofisme avec une main mise sur les pays arabes du sud en tant que fournisseurs de main d’oeuvre , d’énergie et de matières premières et les pays industrialisés du sud de l’Europe .

  • Bonjour
    Dans votre article vous posez une question que je me pose aussi "Quelles vont être, dans un premier temps, les conséquences de l’arrivée d’un tel groupe au sein du parlement européen ? La première de toutes est qu’il va profiter - au même titre que tous les autres partis démocratiques- d’une aide financière assez généreuse de l’Assemblée européenne [10]."
    C’est là que je ne vous comprends plus. Pourquoi y répondez vous de façon si douce et si insignifiante ?
    Au moment des élections présidentielles ou Le Pen va dépasser 10% la question de savoir si il touche de l’argent de l’Europe et combien, et si c’est plus qu’avant ou pas, est une réponse bien douce par rapport à la question de savoir si il va y avoir alliance entre Le Pen et Sarkosy ou pas. Car a mon avis rien empêche ce rapprochement .Les esprits sont prêts comme vous le montrer. Le total electoral bat la gauche et il est une reponse rationnelle (et non pas le produit d’une pulsion destructrice) à la montée de Bayrou. C’est de cette façon que je me represente le coté diabolique de Sarkosy. Il veut nous faire croire que, du fait de son attachement à la République nous n’avons pas a craindre d’un penchant politique qui le tire vers le Pen, qu’il dominerait et contiendrait dans des barrières prédefinies dans des accords électoraux sans secrets comprenant vraisemblablement un retour a la proportionnelle dans des elections legislatives. Nicolas Sarkosy dirige en effet un parti qui occupe 60% des sieges avec 20% des voix. Il a une immense marge de négociation qui lui donne sa puissance.

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