Exigence

Mon libraire





Accueil > Opinions > Opinions politiques > M. Sarkosy président. Pourquoi c’est impossible ?

M. Sarkosy président. Pourquoi c’est impossible ?
15 août 2006, par Philippe Nadouce

Alors comme ça, n’importe qui peut se permettre des phrases dans le genre ! Oui, si l’on possède une boule de cristal. Mais ce n’est pas le cas ici. Au royaume des aveugles...
M. Sarkosy, comme M. Balladur en son temps, est le candidat de la presse et des médias (Pierre Carles préfère lui l‘expression : « PPA », le parti de la Presse et de l‘Argent).

Les heureux soupeurs de la dernière garden party de l’Elysée -l’ensemble du journalisme à quatre pattes y était réuni- laissaient échapper des chuchotements conspirateurs lorsque le sujet de conversation tombait sur les « présidentiables »... Le nom qui revenait le plus souvent sur les lèvres était celui du Maire de Neuilly ; un grand ami des médias français. Une amitié qui, souvenez-vous, c’était en 1995, se fit des plus chaleureuses, lorsque M. Sarkosy fut nommé à la place de M. Alain Carignon, ministre de la communication [1]. Il se retrouva alors ministre de tutelle des télévisions et radios publiques. Et depuis, « l’épais portefeuille d’amitiés médiatiques du maire de Neuilly lui servit de bouclier protecteur contre toute observation inutilement désobligeante » [2].

Et cela ne fait plus aucun doute ; du Nouvel Obs au Figaro, en passant par les Echos, Libé, le Monde, France-Soir, Paris-Match, l’Express, le Point, etc., les esprits les plus rétifs ont fini par se rendent à l’évidence : Monsieur Sarkosi pourrait bien être le prochain président des Français. Les retournements de vestes vont bon train. M. Chirac assailli de tous bords a, quant à lui, saisi au vol l’opportunité libanaise pour redorer son blason mais le coup de la « Grandeur de la France » est aujourd’hui éculé. Quoi qu’il dise ou fasse, les médias et leurs décideurs de patrons veulent s’en débarrasser. C’est « un changement de style et de génération » qu’ils demandent, que l’ensemble des Français demandent ?

Vraie fausse nouveauté...

Et qui de mieux pour cette ère de Renaissance que les tous jeunes M. Nicolas Sarkosy et Mme Ségolène Royal ? La confusion est de taille. A moins que cette pensée ne soit dirigée, un peu comme celle des néolibéraux présentant les plus vastes entreprises de restaurations politiques et économiques de ces trente dernières années comme autant de révolutions !
Sarkosy et Royal des p’tits jeunes en politique ? Voyons un peu.
Commençons par celle qui est la cause de cette mutation extraordinaire dont nos chroniqueurs vedettes ont ananlysé de long en large l’anatomie. La jeune et fringante Ségolène Royal.

La France dévoile ici son incurable conservatisme en matière politique ; une femme ! et en plus « jeune » pour tenir les rênes de l’état ! Nos archaïsmes sociaux n’en finissent pas de se réinventer. En matière de pratique féodale, on se rappelle encore les gros titres affligeants de notre presse nationale ; la France s’interrogeant, se demandant si elle serait prête à accepter une femme au volant du pays ! Mais, en ce qui concerne son programme politique, notre « madame tout le monde » peut repasser en matière de nouveauté. C’est du blairisme revenu au beurre français qu’elle nous propose. Un mutation certes, mais pas du tout dans le sens du socialisme. La sortie du tunnel pour la gauche ne pouvait qu’être celle-là et l’animosité affichée par les éléphants de son parti ne pouvaient qu’être feinte.

Quant à M. Sarkosy, on le sait, il est né de la dernière pluie. Un blanc-bec qui a quand même à son actif presque trente ans de vie politique de droite et pas des plus « light ». Difficile d’oublier qu’il a volé à Jean-Marie Le Pen la plupart de ses « nouvelles » idées en matière d’immigration. Sur le plan économique, M. Sarkosy est un des promoteurs du « oui », un homme pragmatique qui souhaite pour la France une modernité économique que l’état providence s’est acharnée à lui refuser. Et son programme s’il est élu ? Voilà cependant qui reste à éclaircir ? Disons que pour le moment, il navigue au sondage tout en suivant les préceptes de la banque mondiale qui, comme chacun le sait, n’aime pas brusquer les riches et se trouve avoir les mêmes goûts en matière de contrat social que les paisibles citoyens de Neuilly. Rien qui ne soit véritablement l’incarnation d’un changement de style.

Et l’alternance dans tout cela ?

Nous l’avons vu, les médias et leurs propriétaires : les patrons français, ont déjà à leur actif l’humiliante défaite du référendum sur la constitution européenne. A ce sujet, un peu plus d’un an après la mémorable rouste, les chiffres de l’économie française sont au beau fixe [3].
Le silence des aboyeurs stipendiés qui lors de la campagne du « oui » avaient annoncé l’apocalypse en cas de victoire de la « réaction » et de l’anti France, sont bien silencieux aujourd’hui. Edifiant aussi que l’un de ces aboyeurs, le bariton Serge July, ait goûté le premier à l’amplification d’un marché du travail plus flexible.

Cette défaite de l’appareil propagandiste des néolibéraux ne semble pourtant pas avoir entamé leur optimisme (ils n’ont cependant pas que des défaites à déplorer : par exemple, la vaste opération de réhabilitation du pauvre M. Juppé injustement condamné par la justice française). Ils reviennent à la charge avec cette fois un candidat éreinté par l’exercice du pouvoir : M. Sarkosy. Et cela sans compter les scandales, les maladresses (l’affaire clearstream, les frasques de sa femme, les enfants d’immigrés expulsés, les théories lepénistes reprises sans scrupules, ses troublantes déclarations lors des émeutes en banlieues, etc.) qui fatiguent un électorat de plus en plus divisé sur son génie politique.

A cela il faut ajouter un effet de structure ; l’alternance en politique ; mécanisme bien huilé en France et auquel les Français sont habitués. Depuis une bonne vingtaine de mois, la société française donne tous les signes de vouloir s’y vouer encore une fois. L’effet balancier qui remène un peu partout dans le monde le « socialisme » au pouvoir n’épargnera pas l’Exagone toujours à la pointe des grands changements.

Les troubles sociaux de ces derniers mois et la connaissance en matière économique et sociale dont font preuve les Français au moment de choisir leur avenir ne laissent rien présager de bon pour une droite qui s’est scandaleusement enrichie alors même qu’elle déclarait la France en crise.
M. Sarkosy, fait les frais de telles conditions historiques et il est tout à fait improbable qu’il découvre avant les élections une idéologie aussi fraîche et rassembleuse que celle de Ségolène Royal.

Londres, le 13 août 2006


[1M. Carignon, démissionnaire, fut incarcéré à la prison Saint-Joseph de Lyon

[2Lire, « Les nouveaux chiens de garde », de Serge Halimi. Page 19. Ed. Liber-Raison d’Agir

[3Lire le quotidien « Le Monde » du Samedi 12 août qui titre : « La croissance française affiche une forte hausse au 2eme trimestre »

Un message, un commentaire ?

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

Connexions’inscriremot de passe oublié ?


©e-litterature.net