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Histoire de bus
13 octobre 2005, par Soleiman Adel Guémar

Je suis souvent passé devant le siège central du directoire. Sans jamais m’arrêter. Sauf pour reprendre mon souffle ou serrer mes lacets. J’ai toujours pensé qu’on ne pouvait voir grand chose de l’intérieur.

Côté Sud, les fenêtres restent la plupart du temps fermées et ne sont occasionnellement ouvertes que sur d’épais rideaux gris. Côté Nord, elles demeurent béantes. Pour capter le vent qui, sans se mélanger aux rumeurs et aux relents des faubourgs, vient directement de l’autre côté de la mer. Mais il arrivait que les cris stridents des enfants, rejetons des quartiers d’alentours qui fréquentaient avec assiduité le jardin public, à un jet de pierre de l’imposante bâtisse, gâchaient quelques fois tout. Comme pour rappeler aux occupants des superbes bureaux du dernier étage que rien n’est jamais acquis. On déclara le jardin public zone interdite, et tout rentra dans l’ordre.

« Les chefs aiment à méditer dans le noir. Les sous-chefs évitent de les déranger de peur de subir les foudres de leurs illuminations. Et comme ça dure trop longtemps, ils finissent par ne voir plus rien. Logique ! », affirmait Ammi-Ouali, « l’ancien », retiré de la circulation, un jour de canicule, par la roue arrière d’un bus qui avait malencontreusement dérapé sur une peau de banane locale.

Les bus continuent de gravir la rue parallèle au siège centrale du directoire. Les pneus s’usent sur l’asphalte fumant. Entre passagers, on se fixe dans le blanc de l’oeil. On y découvre des choses très intéressantes. On détourne la tête et on met les yeux dans les poches. On transpire et on attend.

- Faut un bus pour les femmes et un autre pour les hommes

- Et un pour les gosses

- Et un pour ta mère !

- T’as de la chique ?

- Je chique pas

- La chique, c’est pas chic !

Personne ne s’attarde à regarder du côté du jardin public. Les bancs sont déserts. Il n’y a plus d’amoureux à épier. Pas d’amoureux à blâmer ou à envier. Il n’y a que des pigeons qui attendent la nuit pour dormir.

S.A. Guémar

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