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Algérie : Régime maffieux
4 octobre 2005, par Soleiman Adel Guémar

Réelle et imaginaire, contemporaine et ancestrale, l’Algérie me hante. A la manière d’un grand amour. Platonique, il ne cesse d’être la source de tous mes rêves éveillés et de mes attentes impatientes. Charnel, mon plaisir se mue en extase dès que mes yeux plongent dans le bleu de la baie d’Alger parsemée de mouettes et de barques de pêcheurs musiciens ou lorsque mon corps se confond au sable féerique des plages mythiques de Sidi-Fredj, Tipaza ou d’ailleurs.

1200 kilomètres de cotes, plus de 2 millions de km², j’ai le choix d’aller piquer un plongeon dans les eaux immaculées de la méditerranée, faire du ski sur les monts enneigés du Djurdjura ou parcourir le Sahara en compagnie de mes frères Touaregs, ces princes oubliés, pour qui la carte céleste étoilée n’a pas de secrets.

L’Algérie, j’en ai eu le coup de foudre un certain 4 septembre 1963 à 21h30 près du « tunnel des facultés » à Alger La Blanche où j’ai poussé mon premier cri à la « clinique Pasteur ». Cri de joie d’être né dans le pays des Kotama et de Saint Augustin. De Massinissa et de Youghorta (Jugurta), rois mythiques des Imazighen (Berbères). Peuple que nul agresseur n’a pu asservir mais que le régime d’Alger maintient en otage par un mélange détonant de démagogie, de religiosité et de répression.

A fleur de peau, il faut dire que cet amour m’a fait beaucoup de mal. La déception de ne pouvoir clamer et vivre sa liberté au grand jour oppresse le cœur et se vit telle une agression particulièrement humiliante.

Le régime algérien, toujours le même depuis 1962, est en fait une véritable maffia militaro-financière qui a réussi à entretenir des alliances stratégiques avec le gratin mondial des affaires et de la politique. Il va sans dire que cette complicité active a des odeurs de pétrole et de gaz et autres considérations géostratégiques de mauvais aloi. Et c’est ce qui explique son sentiment d’impunité et son mépris prononcé à l’égard de son opinion publique. Le pouvoir n’a cure des conséquences de sa politique dictatoriale, du moment qu’il ne risque pas grand-chose. Hormis quelques organisations de défense des droits de la personne humaine, aucun gouvernement ni institution officielle ne l’a, à ce jour, condamné. Realpolitik oblige ! Face à nos mafiosi, en tenue militaire ou en civil, Augusto Pinochet est un enfant de chœur… Que mes amis Chiliens veuillent bien excuser cette comparaison qui, certes, peut sembler quelque peu indélicate dans la mesure où une victime d’une dictature, quelle qu’elle soit, reste une victime de trop.

Entre autres épisodes dramatiques, les quelques 200,000 morts -massacrés individuellement ou à la chaîne -, les milliers de torturés, de disparus et d’exilés (1) pendant ces treize dernières années rendent le décor carrément surréaliste, version film d’horreur. Un effroyable sentiment vous noue la gorge rien que de penser que l’Etat d’urgence dure depuis janvier 1992…et ce n’est pas demain la veille que ce régime tortionnaire a l’intention de le lever. Le ministre de l’intérieur, ancien officier supérieur de la tristement célèbre Sécurité militaire (SM) pendant les années 60 et 70 l’a annoncé ce 1er Octobre, suite aux résultats officiels (2) du vote pour le projet de charte pour "la paix et la réconciliation nationale" proposé par le pouvoir. D’aucuns qualifieront ce vote de mise en scène folklorique. Ils n’ont pas tort. L’opposition n’a pas eu le droit de dire son mot (3), elle qui à l’unisson n’a cessé d’exiger Vérité et Justice avant tout (4), à l’instar de ce qui s’est passé en Afrique du Sud par exemple.

Epée de Damoclès sur la tête, la presse algérienne vit, dans le meilleur des cas, sous contrôle judiciaire. Les syndicats indépendants (5) sont réprimés et les militants pour la défense des droits de la personne humaine vivent le calvaire. Ainsi va l’Algérie, « terre des miracles » (6) version « changement dans la continuité » (7).

Le socialisme spécifique de Boumédienne en a fait une république couscoussière tout en produisant une des nomenklatura les plus machiavéliques au monde qui, tout en élargissant sa clientèle au fils des ans, a fini par en faire une sorte de monarchie absolutiste qui ne dit pas encore officiellement son nom. Il faut dire que cette politique ne déplait particulièrement pas aux « maîtres du monde » tant leurs intérêts sont magistralement sauvegardés. Aveuglés par la politique du court terme, ces derniers semblent ignorer que les sentiments de liberté et de justice coulent, depuis la nuit des temps, dans les veines des algériennes et des algériens (8). Aussi longtemps que durera la nuit de l’oppression et de son allié naturel, le néocolonialisme, le jour finira bien par se lever. Cependant, il y a effectivement beaucoup de mauvais élèves qui n’ont pas retenu les leçons de l’histoire.

Il est clair qu’aucune réconciliation nationale ne peut être effective avant que le peuple algérien ne sache ce qui s’est réellement passé durant ces dernières années.
D’aucuns auront compris que la maffia militaro-financière algérienne forte de ses appuis français et américains pense avoir trouvé la parade à ses crimes contre l’humanité et veut désespérément noyer la question du « qui tu qui ? » dans le concept du « qui juge qui ? » détourné de son sens originel.

Par ailleurs, imposer une chape de plomb sur le détournement de la rente pétrolière et les commissions liés aux marchés de l’armement, par exemple, butin estimé à plusieurs milliards de dollars, est l’autre face de la médaille de cette prétendue réconciliation nationale, plat du jour copieusement décoré de puissants soporifiques, servi à une population traumatisée, honteusement manipulée par la logique de la « sécurité du pire », dernière formule alchimiste du pouvoir, utilisée sans modération.

Régénérée depuis le 11 septembre 2001 (9), la maffia militaro- financière reste plus que jamais au cœur de l’Etat algérien.
Les exemples ne manquent pas qui permettent de toucher du doigt la nature de ce pouvoir truand. La récente nomination du général-major Abdelamalek Guénaïzia au poste de ministre délégué à la défense nationale en est un.

De quelle réconciliation nationale parle-t-on ?

Adel Soleiman Guémar

algeria-watch
02.10.05

Notes :

(1) : depuis janvier 1992.
(2) : plus de 97% de oui et près de 80% de participants, résultats contestés par l’opposition, le FFS (Front des Forces Socialistes) en tête.
(3) : La télévision, surnommé « L’Unique », en référence à la pensée unique qu’elle véhicule et de son assujettissement total aux thèses du pouvoir, reste interdite d’accès à l’opposition. Il en est de même pour la radio.
(4) : www.algeria-watch.org
(5) : L’UGTA (Union générale des travailleurs algériens), appendice du pouvoir, est l’interlocuteur unique des pouvoirs publics.
(6) : Slogan servi à la pelle au peuple algérien durant les années 60 et 70.
(7) : Illustration : Abdelaziz Bouteflika, ministre de la jeunesse et des sports en 1963, ministre des affaires étrangères (1965-1978), président (1999-…).
(8) : Imazighen, appellation ancestrale des algériennes et des algériens, signifie littéralement : « Hommes libres ».
(9) : Attentats terroristes d’envergure contre les USA.
(10) : D’aucuns accusent formellement cet ancien chef d’Etat-major de l’ANP (Armée nationale populaire) d’avoir gérer les intérêts occultes du pouvoir à Genève durant la dernière décennie.

Messages

  • Cher monsieur, merci d’écrire sur un tel thème. L’Algérie intéresse les français d’aujourd’hui. La presse officielle française n’est plus en mesure d’assurer un service d’informations critiques et éthiques sur l’Afrique. Nous le savons, ses intêrets avec les pouvoirs ont eu raison de son rôle démocratique envers les citoyens.
    C’est à nous, citoyens, de prendre le relai. Vous le faite avec dignité et je vous en remercie.

    • Je m’excuse de vous le dire mais même dans ce site parfois on refuse de publier certains articles comme celui que j’ai écrit sur la réélection du Président Bush sans que je ne sois informé des raisons qui ont conduit à ce refus de publication.
      Toutefois tous mes autres articles proposés ont été publiés et j’en remercie les administrateurs.

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