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Fiscalité sans équité n’est que ruine du peuple…
30 novembre 2002, par G.Clément

Voici un an, nous nous battions pour empêcher l’Euro de paraître dans notre vie, et nous disions que son arrivée serait la fin de la liberté, pour la France, à se gouverner.

Mais, par surcroît, nous affirmions que cet instrument monétaire serait source de crise, que l’Europe elle-même, qui en attendait tout, risquerait sa cohésion et son avenir.

Avant même la date anniversaire de cet avènement, que l’on eut le culot de célébrer comme la fin d’un cauchemar, avec champagne et cotillons, les faits sont avérés : Ou l’Euro passe et l’Europe trépasse en une série de secousses économiques et sociales, ou les Etats continuent à soigner leurs plaies à budget ouvert, et l’Euro explose en vol.

L’Euro n’est qu’un instrument monétaire qui joue son rôle de d’arrimage des économies associées ou qui disparaît. Il n’est pas une cause, il est un moyen.

Pouvait-on dire, en 1999, que les gouvernants ignoraient les conséquences de la machine qu’ils mettaient en route ? Douteux. Pouvait-on, alors, croire qu’ils en minimisaient les effets ? Peut-être, encore que… Pourrait-on avancer que chacun comptait sur l’Euro pour transmettre ses mauvaises vibrations au plus loin dans l’Europe profonde, en espérant qu’elles s’y perdraient ? Probable.

L’Euro est en effet un excellent moyen pour dissoudre les responsabilités économiques, pour diluer les déficits des politiques néfastes, pour rendre illisible par le bon peuple les conséquences de leur gabegie.

Tout manquement durable aux règles d’une bonne gestion se traduisait, naguère, par une dévaluation de fait ou de droit, de la monnaie concernée. C’était la sanction visible, et compréhensible, d’une mauvaise politique. Aujourd’hui, l’Euro, quasi-indépendant des budgets particuliers - jusqu’à un certain point que l’on peut calculer - offre des marges d’irresponsabilité à maints gouvernements en mal de paix sociale.

La paix sociale ! Voilà un concept récurrent, envahissant, structurant, débilitant. Jamais on n’en a tant parlé, jamais on l’aura autant exigée, jamais on ne l’aura moins eu.

Comment peut-on expliquer, qu’en des temps point si éloignés - le début du vingtième siècle par exemple - avec des systèmes de protection, de redistribution, d’assistance si peu affermis alors, la paix sociale - caractérisée par le nombre de jours de grève ou l’amélioration de la productivité - fut meilleure qu’en notre temps égalitaire ?

Certes, les jacqueries, émotions populaires et autres grèves insurrectionnelles, ont toujours existé ; mais jamais avec cette lancinante psalmodie qui nous accompagne depuis plus de cinquante ans.

Il serait temps de se demander où nous mène la revendication permanente, la protection sociale quasi absolue du salarié, la pressurisation sans fin des chefs d’entreprise, la culpabilisation et la pénalisation sans trêve de l’entrepreneur.

Le risque, inhérent à la vie, est une donnée universelle ; décider qu’une partie de la population doit en être exemptée, c’est mentir, transformer une vie d’homme en niche à chien. Le chef d’entreprise est structuré par le risque. C’est le risque qui le maintient éveillé, qui tend ses facultés de vigilance et d’action, qui le font marcher la tête haute, qui lui épargne l’angoisse sans cause et la dépression.

Croire qu’on conservera un peuple fier, travailleur, entreprenant en lui dissimulant le risque intrinsèque de l’existence est un leurre, une manière de tromper, un gouvernement par le vice. Quand Pompée entra dans le saint des saints, il fut surpris de le trouver vide ; on nous impose l’inverse, croire au vide derrière les voiles quand s’y dresse la statue de Baal.

Cette manière de soporifique renouvelle la complainte du " sereno " : " Dormez bien braves gens ! " ; elle amène l’Etat à la pire des oppressions : Ecraser un petit nombre sous le poids de la masse. La masse qui n’est pas seulement assurée financièrement dans son existence, mais qui l’est aussi réglementairement et judiciairement (elle n’a jamais tord), moralement (on lui doit ce mode de vie) et intellectuellement (mieux que des égaux : il n’y a plus que des identiques)

Et bien sûr, pour réaliser ce lac à castors, l’arme du gouvernement, démagogique et oligarchique, vrai paradoxe aristotélicien, s’appelle la fiscalité.

Il faut entendre par fiscalité l’ensemble des mesures onéreuses et impérieuses, taxes, impôts, cotisations, travaux obligatoires et règlements entraînant des postes de travail imposés pesant sur les recettes des entrepreneurs, terme pris au sens de Schumpeter.

Cette fiscalité, donc, est politique ; elle ne dépend guère d’une nécessité objective : meilleur travail, amélioration des procédés, augmentation de la productivité. Elle n’est fonction que d’une décision de majorité, d’une loi. A ce rythme, chaque groupe social disposant d’une puissance élective contraindra les députés, demain les conseillers régionaux, à édicter des règlements en leur faveur, et à voter des taxes destinées à financer leurs lubies.

La fiscalité dépendant de la loi, et la loi de l’humeur des majorités sociologiques, nulle raison pour que s’épuise le cyclone. Il engloutira toute la matière vive des sociétés modernes, c’est-à-dire la matière fiscale. L’effondrement de l’URSS, qui fut une implosion, menace les économies administrées, sauf que leur écroulement s’effilochera en asymptote sur la survie des derniers groupes productifs. Mais la sanction ne fait aucun doute : la disparition une à une des professions libérales, l’arrêt ou le déplacement des petites entreprises, l’exil des grosses firmes ou la fermeture de leurs sites.

Et pour durer, le système du meilleur des mondes continuera à opprimer ceux qui refusent pour vivre de dépendre des autres.

Que faire ? Revenir à l’équité.

L’équité n’est pas l’égalité. L’équité, c’est rendre à chacun ce qui lui revient, c’est exiger de tous le même effort, proportionnellement à ses ressources. Et l’équité, en matière fiscale, doit être au-dessus des lois, ou tout au moins, la Loi qui la régit doit-elle être stable, hors du champ des opinions.

C’était l’esprit de la Constitution antique, c’est ce qui demeure de l’esprit des lois, c’est une nécessité pour que l’Etat ne s’écroule pas sous son propre poids au gré des opinions, des passions ou des ignorances qui peuvent être amenées à gouverner.

Le prélèvement maximum qu’un Etat, en temps de paix, peut être autorisé à effectuer sur les revenus d’un citoyen doit être inscrit dans les lois fondamentales, la Constitution doit s’en porter garante.

Sans cette assurance du dû et de l’indû, rien ne sera jamais possible longtemps. Tous les citoyens doivent participer au budget de l’Etat, sans aucune exception.

La protection d’un citoyen ne doit pas excéder le domaine de l’application de la loi contre l’arbitraire et les violences. Pour ce qui ressort aux relations civiles ou professionnelles, le contrat fait foi et le salarié doit assumer ses fautes autant que l’employeur les siennes. Mais l’autorité du propriétaire et sa liberté doivent être respectées et non entravées, sinon le domaine privé deviendrait un vain mot, et la propriété des moyens de production une fiction.

La société ne peut être équilibrée lorsque la prise en charge de tous les échecs, ou même des fautes, fait disparaître la notion même de malheur possible. Le risque de l’entrepreneur et sa culpabilité éventuelle sont codifiés et encadrés par les lois sur la faillite. Où sont les lois sur la faillite du salarié ?

La notion de protection doit, elle aussi, trouver ses guides pour se suffire à écarter la misère, ce qui est son rôle ; elle ne peut se muer en une sorte d’immunité contre l’infortune et l’incompétence.

Qu’on comprenne bien : Il ne s’agit pas d’une défense et illustration du " libéralisme " qui ramènerait à l’individu seul hors des appartenances qui l’environnent et le fondent. On défend seulement qu’il convient de rendre à cet individu une place réelle dans la société, dont il assumera réellement les risques et les avantages.

On prétend que le retour aux vertus courantes qui forgèrent notre civilisation, ne pourra s’opérer qu’à travers la libération du citoyen par la suppression ou la refonte du corpus juridique, puis en plaçant ces codes au-dessus des votes parlementaires.

Réintroduire dans l’homme le sentiment des risques réels qu’il court ou fait encourir à sa famille, l’engagera, la plupart du temps, à mesurer ses actes, à s’efforcer, à retrouver la morale élémentaire qui s’est envolée, à redevenir adulte. Car nous souffrons d’un infantilisme prolongé qui transforme les vies en vacances perpétuelles et le travail en bagne.

A tel point la sécurité que procure l’Etat nous éloigne de la vie réelle, que deux catégories de citoyens cohabitent en France : les protégés - ou domestiques - et les sauvages. Les uns bénéficient de tant de garanties qu’ils oublient que la vie a une fin, les autres, gibier sur lequel vivent l’Etat et le cheptel, de moins en moins nombreux, souffrent et fuient ou meurent.

Chacun a pensé, quand la révolution française eut passé, que le mépris dans lequel on tenait les fils méritants du fait de leurs origines sociales avait vécu, et que chaque talent, quelque fut son extraction pouvait atteindre à l’excellence, le sommet de l’Etat : Justice était rendue.

D’autres ont alors prétendu que la justice c’était l’avoir autant que l’être ; que tous avaient droit aux attributs de la réussite sociale, que la vertu était présupposée, que la faute du dirigé une calomnie, la culpabilité du dirigeant une constante.

On ne se satisfît point de cela, on voulut aller plus loin, assimilant la liberté à la licence. Enfin, on s’arrangea pour que les fruits du travail des uns permissent aux autres de s’adonner aux loisirs, de devenir propriétaire ou de doubler un emploi sans crainte du fisc.

Que l’Etat - ou la solidarité imposée, ce qui revient au même - évite aux plus faibles que la maladie les emporte faute de soins, est une donnée ancienne de notre morale courante et que la charité chrétienne imposait quand l’Etat ne le faisait pas, tout le monde l’approuve.

Que l’Etat protège les citoyens contre la violence -et même contre la sienne propre - voilà qui est la base même de sa nature et de sa fonction.

Que l’Etat permette à tout enfant de la nation d’accéder au savoir et de s’illustrer à son service, voilà aussi son rôle fondamental.

Mais que l’Etat transporte - sauf pour ses besoins propres - qu’il distraie, qu’il éduque, qu’il produise des biens de consommation, qu’il soigne gratuitement, cela ne le grandit pas, il s’alourdit, cela n’honore pas ses citoyens, ils s’avilissent.

Il semble que la boule qui dévale la pente grossisse à vue d’œil, que les moyens d’arrêter sa course, par les voies législatives et en douceur, s’amenuisent, que le roc sur lequel elle va se fracasser soit en vue… à moins qu’elle n’implose comme l’URSS il y a dix ans.

G. Clément

11/2002
Divergences.net©

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