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Champagne
6 février 2005, par Philippe Nadouce

Quelques jours avant l’annonce officielle de la mort du tyran, des centaines de milliers de personnes se préparaient fébrilement. Champagne pour les plus aisés ; Cava pour les autres. Pour les plus pauvres encore, un gâteau, un fruit... L’Espagne retenait son souffle. Les autorités, quant à elles, ne pouvaient tenir bien longtemps. Elles avaient littéralement séquestré le cadavre. Après quinze jours « d’incertitude », il faudrait bien lâcher la nouvelle.

Les fêtes de fin d’année approchaient. Quel cadeau, mon vieux ! Mais l’incertitude officielle avait quand même quelque chose de mortifiant. Et si par miracle il s’en remettait... ? Curieux quand même que des hommes arrivent à être si puissant..., pense le peuple. Rien n’est plus faux. Ce qui est colossal ici, c’est la part de l’illusion. Les oligarches le savent trop bien. C’est en général dans les périodes de transition que la vérité éclate mais là encore, l’art de travestir fait le reste. Tout changer pour que rien ne change... L’élu ! L’illusion kérygmatique de l’envoyé est dans nos gènes. D’où l’importance de son élimination corporelle dans les cycles de l’évolution ... Cette nécessité de la disparation comme symbole de changement est la faiblesse des peuples ; une illusion qui l’enchaîne à ses despotes. Deux révolutions seulement ont réussi à s’en échapper : la française en 89 et la russe en 17. Deux cataclysmes d’une ampleur inouïe dont les échos nous parviennent encore aujourd’hui...

Revenons à notre tyran du sud de l’Europe. Le bout du rouleau disent les uns. Une santé à toute épreuve répondent les autres. Le chant du cygne d’un côté, le Phœnix et ses cendres de l’autre ! Tant qu’à choisir, disent les plus philosophes, c’est bien plus beau de les voir crever au printemps. Attendons !

Quand ils meurent dans leur lit -le XXe siècle a amené cela aussi- le pronostique s’avère moins hasardeux. Cygne et Phœnix -symboles de succession-, couvrent de leurs ailes les matrices infernales de leur devenir. Mais dans les périodes convulsives, dans les spasmes de l’agonie et de la joie ; la vie, son spectacle, n’intéresse plus que notre pragmatisme. Nous nous en détachons que plus tard, quand l’acte est consommé, quand la distance est nécessaire pour survivre. Là seulement nous pouvons rêver, retrouver ce qui nous caractérise : l’altitude. Pour le moment, nous sommes aveugles. Le tyran du sud garde toute son autorité et l’illusion est parfaite.

Mais soyons philosophe ! Le printemps deux mille cinq nous réserve peut-être une bonne surprise. Aurons-nous cette chance ? Et si ce n’est pas pour Pâques, ce sera bien plus beau en début d’été ! Choisir nos congés alors qu’il agonise. Que son règne vienne dans l’au-delà, oui. Que sa volonté y soit faite, que les oligarches sanctifient son nom. Leur pardonnera-t-on leurs offenses ?

La tyrannie inverse les valeurs jusqu’au bout. Nous utilisons volontiers un vocabulaire monstrueux pour nous délivrer du Mal et quand les portes de l’Enfer se referment sur l’inique mystificateur. On en bave d’irrespect.

Une bouteille de champagne au frais, attendons l’heure qui ne saurait tarder ; soyons philosophes.

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