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Education musicale : Régression dans l’évolution
2004, par Sandrine Erdely-Sayo

Faudra-t-il attendre cinquante, cent ans pour retrouver nos bonnes traditions ?

Quelle tristesse de voir la dégradation de l’éducation musicale en France ! La qualité des musiciens à venir ne sera certainement plus la même. Les bonnes méthodes traditionnelles ont tout de même formé d’excellents musiciens. Pourquoi les changer, les déformer, les transformer ?

Notre belle école française a produit des œuvres très sophistiquées, d’un grand raffinement, où l’invention créatrice s’ajoutait à une intelligence cultivée. La clarté de l’écriture révélait un goût esthétique pour atteindre la beauté. L’inspiration frémissait d’un esprit enflammé et les émotions se bousculaient dans un souffle de création.
Où allons-nous ? Probablement vers la décadence en cadences [1] imparfaites ou en cadences rompues par un travail corrompu. Il faudra s’estimer heureux de voir encore un musicien reconnaître un ¼ d’une cadence ; les ½ [2] ne se reposeront plus…..elles n’existeront bientôt plus. Quant à la cadence fauréenne, elle est rarement mentionnée dans les conservatoires municipaux et régionaux.

Nous avions en France un système très apprécié au niveau de la formation musicale et de l’écriture. Un système envié par d’autres pays européens et par les Etats-Unis. Les Etats-Unis essaient de l’imiter et de le reprendre, mais pour le moment sans grand succès. Pourquoi la France veut-elle s’en débarrasser ? Pour le plaisir de rénover…et de régresser ?

Les dictées musicales sont remplacées par des dictées à trous ou d’autres pauvres inventions ; la transposition n’existe presque plus ; l’étude du rythme est démesurée par la battue d’une mesure qui serait bien plus appropriée dans une cuisine pour faire monter la mayonnaise ; les chants dans les sept clefs hibernent au fin fond des maisons d’édition. Rien de plus normal puisque les nouveaux professeurs ne sont pas capables de les déchiffrer !

Dans le temps, Monsieur Debussy, Monsieur Lavignac [3] et bien d’autres pourraient en témoigner, nous rentrions dans des classes de composition avec en main et dans les oreilles une formation solide et ferme ; les professeurs avaient une pédagogie structurée, un enseignement de rigueur, des préceptes de discipline. Où est ce bon vieux temps ? Oublié, évaporé dans des soupirs indifférents ? Ces contretemps [4] ne sont même pas sympathiques puisqu’ils font attraper des syncopes [5] régulières et d’autres maux étranges aux musiciens bien éduqués Ils altèrent leurs oreilles pour les laisser dans un com(m)a [6] dissonant. La nouvelle génération rentrera en classe de décomposition avec une déformation de qualité.

Il n’y a qu’une éducation rigoureuse, aux règles strictes et précises qui permettra d’arriver à la liberté d’expression, à l’imaginaire, à l’invention et enfin à la création.
Chez Lavignac les tonalités et les modes utilisés correspondaient à des états d’âme. Parle-t-on d’états d’âme maintenant ? Oh non, cela est démodé ! La technologie a pris le dessus pour changer le cœur des hommes en un rythme mécanique.

Le mot « imagination » a disparu des dictionnaires musicaux, mais nous avons le plaisir de le retrouver dans un dictionnaire de musique, d’une édition suisse, dictionnaire rédigé par un des plus grands musicologues : Hugo Riemann [7].

Espérons que le temps aidé d’un angelot musical fera de cette révolution régressive une évolution progressive !


[1Cadences : formule amenant un repos définitif ou suspensif du sens tonal et harmonique de la phrase musicale. Il y a plusieurs cadences.

[2½ cadence : cadence de repos transitoire. Elle clôt la première partie, ou reprise, d’un morceau dont elle annonce la continuation.

[3Albert Lavignac :professeur d’harmonie au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris. Il eut pour élèves Claude Debussy, Reynaldo Hahn.

[4Contretemps : son articulé sur un temps faible et qui ne se prolonge pas sur un temps fort.

[5Syncopes : son articulé sur un temps faible et prolongé sur un temps fort ou la partie forte d’un temps.

[6Comma : le plus petit intervalle perceptible par une oreille délicate.

[7Hugo Riemann : musicologue allemand né en 1849 et décédé en 1919.

Messages

  • Votre texte est très interessant Madame !

    Je l’ai lu , en profane de la musique que je suis , comme un écho à celui de Catherine Nohalès " Ressac"

    Et je me demande si ce n’est pas dans cet écho , dans cette orchestration spontanée du malaise qu’il n’est pas en train de se débattre comme un diable l’angelot musical de l’avenir ?

    • Merci, cher inconnu, pour votre compliment !

      Les textes de Catherine Nohalès sont en effet très intéressants et très éloquents.

      L’angelot musical se bat comme un diable, mais des anges déchus lui mettent des nuages noirâtres sur son passage.

    • Il faut peut-être leur dire Merci aux anges déchus ,comme vous dites . Sans eux l’angelot musical ne serait resté qu’un clone . Qu’il ait envie de se battre comme un diable ? A la bonne heure !

      Le même inconnu (en espérant qu’il vous reste cher !)

    • Beuh...
      C’est un peu donquichottesque votre bataille, non ? Les profs de solfèges sont des nuls, incapables de maitriser leurs clés d’ut... Ah bon ? L’école française est géniale... Ah...
      Sans parler des références réactionnaires du type "Les bonnes méthodes traditionnelles"... Ca s’est fait donc c’est bien... Alors on devrait imposer 10 ans de Palestrina avant de commencer l’harmonie ? 5 ans de solfège avant de commencer l’instrument ? Et 15 ans de dodécaphonisme avant d’écrire pour le plaisir ?
      Bof bof bof.

    • Mais oui, cher ou chère inconnu(e), vous me restez cher !

      Que diable ! Absolument ! Nous savons vous et moi que le clonage n’est pas parfait. Alors remercions nos anges déchus !

      Nous devons reconnaître qu’ Internet, par son artificiel environnement, a certains bénifices !

      Au plaisir de vous lire !

      Sandrine Erdely-Sayo

    • Tout à fait d’accord, et cet article est d’un illogisme incroyable : Comment parler d’imagination si on ne croit pas en l’avenir ?. . .
      Debussy fut un illustre réfractaire aux méthodes de son temps.
      En quoi la beauté et la complexité sont-elles des valeurs musicales ? Auriez-vous un siècle de retard ?
      Les rouages d’un système éducatif, fût il décevant, ne cacheront jamais les valeurs humaines de l’individu, qui font la musique. Parmi les plus grands, nombreux furent autodidactes.
      La musique c’est aussi l’auditeur. Chaque époque son enjeu. Votre attitude négativiste et hautaine, pleine de "on dit", vous fait passer à côté la musique.
      Il ne faudrait pas réclamer plus de rigueur si vous n’avez pas vous-même celle de cotoyer les bons lieux d’apprentissage avant d’en parler.
      Vos jeux de mots pseudo savants ne font que reluire la condescendance derrière le manque de pertinence de vos propos.
      Pardon de vous offencer.

  • La magnifique et impitoyable plume d’une blanche-Colombe contre deux noires tables aux funestes présages.

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